«Gagner une étape du Tour est quelque chose qui m'avait à peine effleuré l'esprit». Le Danois Nicki Sörensen, vainqueur jeudi en homme fort de la 12e étape du Tour de France à Vittel, est un coureur puissant et fin tacticien, qui a cependant sacrifié ses propres ambitions pour mener une carrière d'équipier de luxe dans une grande équipe. «Gagner une étape du Tour est quelque chose qui m'avait à peine effleuré l'esprit. Je n'ai pas beaucoup d'occasions sur le Tour de courir pour mon propre compte, donc la satisfaction n'en est que plus grande», a déclaré à l'arrivée ce solide Viking (1,82m pour 71 kg), né le 14 mai 1975, équipier des frères Schleck et de l'ex-maillot jaune Fabian Cancellara sous le maillot de la Saxo Bank. Laurent Jalabert, qui fut son coéquipier pendant deux ans à la CSC, confirme le potentiel du champion du Danemark 2008: «C'est un gars qui a beaucoup de force, qui sait rouler vite et longtemps, mais qui a peu d'occasions de disputer les victoires. Quand il se retrouve dans une échappée et qu'il peut jouer sa propre carte, il ne loupe pas l'occasion.» A peine la ligne franchie, l'expérimenté Sörensen s'est d'ailleurs empressé de souligner que sa victoire ne serait pas préjudiciable à sa formation, qui espère toujours gagner le Tour 2009 avec Andy Schleck: «Oui, j'ai dépensé beaucoup d'énergie aujourd'hui dans l'échappée, mais il m'en reste encore assez pour pouvoir aider mes leaders. Et puis gagner, c'est toujours la meilleure motivation pour faire avancer une équipe.» Dont acte. Saxo Bank ne songera évidemment pas à reprocher au double champion du Danemark (2003 et 2008) d'avoir voulu briller au détriment des intérêts supérieurs de l'équipe. Mieux même, les dirigeants pourront se féliciter d'avoir eu du flair, en retirant au dernier moment le Danois de l'équipe prévue sur le Giro, en mai, pour le réserver pour le Tour. «Nicki nous a convaincus ces derniers temps qu'il pouvait être inclus dans l'équipe du Tour de France», avait déclaré son manageur Bjarne Riis, qui ajoutait: «Sörensen aura un rôle important dans le contre-la-montre par équipe et en montagne.» Du coup, le Danois a pu observer une période de repos dans la perspective de la Grande Boucle. Il y a puisé les forces qui l'ont mené jusqu'au podium de la victoire à Vittel. Physiquement en forme, Sörensen a également fait montre à Vittel d'un remarquable sens tactique et d'un sang-froid de vieux routier: «A 25 km de l'arrivée, j'avais déjà mon plan en tête, je savais que c'était l'endroit d'où je devais attaquer et tout donner.» Interrogé sur le rôle des fameuses oreillettes dans sa victoire, le héros du jour a laissé entendre qu'il faisait partie de ces coureurs qui utilisent leur propre cerveau plutôt que celui de leur directeur sportif: «Aujourd'hui, la radio ne m'était pas vraiment nécessaire, j'ai élaboré moi-même ma tactique.» Quelques minutes à peine après l'arrivée, la banque danoise sponsor du groupe, s'est fendue d'un communiqué de félicitations. On y décèle aussi, en filigrane, les ambitions supérieures du commanditaire: «Nicki et le reste de l'équipe ont démontré de nouveau aujourd'hui que les performances individuelles et le travail d'équipe vont de pair, et nous sommes impatients de suivre l'équipe pour la suite du Tour. Personne n'oublie, à la Saxo Bank, que Sörensen est, avant tout, un équipier au service des Schleck.»