À qui se plaindre? Les rondes des éléments de la Gendarmerie nationale ne suffisent plus. Oran, entrée est. Le joli douar abritant le mausolée du saint Sidi El Bachir, situé dans la commune de Bir El Djir, s'offre à la vue. Mais la description s'arrête là. Le reste, tout le reste, est fait de peur induite par le développement incroyable de la criminalité. Des jeunes, moins jeunes, voire des enfants, racontant crûment la peur qui ne cesse de les gagner. «Nous avons peur», s'inquiètent les habitants du plus grand douar où la mort côtoie de près ceux qui osent s'aventurer le jour car pour la nuit c'est une autre histoire. «Il y a beaucoup de choses à voir ici», nous informe le capitaine Laïb, chef de brigade de l'Usto qui a guidé jeudi dernier l'opération «coup de poing» au niveau de l'un des plus grands pôles de la criminalité, le douar de Sidi El Bachir. Il est 16h, le capitaine Laïb revoit les dernières retouches avant de passer à l'action. L'impressionnant dispositif d'intervention, composé d'au moins 150 hommes, se met en marche vers Sidi El Bachir, un douar qui abrite des foyers de débauche et de criminalité. Il était 17h quand les éléments de la section d'intervention spéciale relevant de la gendarmerie d'Oran donnent l'assaut au cimetière abritant la «Gouba de Sidi El Bachir». Sur-le-champ, un couple a été surpris alors qu'il s'apprêtait à se livrer à des ébats amoureux sous les effets de l'alcool. L'homme est résident de Sidi El Bachir tandis que la jeune fille est venue de très loin, de Koka, appelé communément El Hassi, situé à l'ouest de la ville d'Oran, un autre lieu qui renferme toutes les formes de débauche sans aucune retenue. Débauche dans un cimetière Sur place, la jeune fille commence à raconter son long périple qui l'a liée à son compagnon de circonstance. «Il m'a ramenée d'Oran jusqu'ici et puis là il m'a agressée», a-t-elle répondu au gendarme qui l'interrogeait avec l'homme interpellé en même temps qu'elle. Ce dernier argumente qu'il est le frère de cheb Khaled. Après un moment d'étonnement et d'interrogation, l'ordre est donné: «Embarquez-le, on verra son sort à la brigade de Sidi El Bachir.» Des curieux qui suivaient de près les mouvements de la gendarmerie adhèrent entièrement à l'idée de ces interventions des hommes en vert, au moins une fois par semaine. «Ce n'est que trop, tu imagines un peu le niveau de dépassement au su et au vu de tout le monde!», a déploré Rachid, dont sa résidence n'est pas très éloignée du cimetière. La loi de l'omerta règne en maîtresse des lieux, mais ce sont ces gens-là qui ont décidé de briser le mur du silence et de témoigner. «Les skinheads et les nazis n'ont pas osé faire ce que font ces bandits dans notre cimetière», ont-ils dénoncé. La traque contre les dealers, voyous et toute sorte d'énergumènes se poursuit. Toujours dans le même cimetière, plusieurs personnes ont été interpellées pour consommation d'alcool. Ce lieu de sépulture ressemble à un terrain dévasté. La majeure partie des tombes n'est pas visible. Pas loin du cimetière, les gendarmes tombent nez à nez avec un lot de 200 bouteilles de bière et un autre de vin et une bonne quantité de glaçons. Lors d'un autre tour, les sections d'intervention spéciales mettent la main sur trois personnes qui ont été arrêtées pour consommation illicite d'alcool puis libérées après examen de leur situation. «La saisie est importante aujourd'hui» se frotte les mains un gendarme. Un autre rétorque: «Si ce n'est pas le jour du week-end, le butin aura été considérable, notamment en matière de saisie de drogue.» Les gendarmes de l'Usto et ceux des sections d'intervention spéciales connaissent par coeur les lieux et les modes opératoires des dealers. «Ils se sont tous enfuis chez eux dès que le premier fourgon de la gendarmerie a franchi le seuil de Sidi El Bachir. De telles opérations doivent être effectuées sur renseignements bien précis avec des perquisitions,» nous explique un autre gendarme. Le douar de Sidi El Bachir est noyé, tous les phénomènes se conjuguent au quotidien. Ce bourg remuant est redouté par tous les enfants du douar Bendaoud I et Bendaoud II. Les riverains sont embarrassés. «J'ai peur de traverser le douar Nedjar», a indiqué Youcef, cet enfant de 14 ans qui témoigne que plusieurs enfants de son âge ont été violés. Leurs bourreaux ne sont autres que les énergumènes sans projets fixes qui guettent le premier passant pour lui faire subir des violences indescriptibles. Qui sont-ils ces bourreaux et d'où viennent-ils? Après un long soupir, le jeune Youcef craque: «Ce sont des hommes qui viennent de Sidi El Bachir pour boire ici et importuner les passants, en particulier les enfants.» Les viols et vols en maîtres des lieux «Ces bandits n'ont peur d'aucune autorité», ont confié plusieurs bambins qui se souviennent encore de la lycéenne qui a été agressée il n'y a pas si longtemps. Les habitants de ce douar, grandi à la faveur de la tragédie nationale, s'estiment blessés davantage surtout que la fin de leur misère ne semble pas se profiler à l'horizon. Dans ce douar, aucun indice ne montre une tendance à la régression des vols et viols. «Ici, on agresse à 5h du matin, le jour, la nuit et dans tous les coins», a témoigné un gardien d'un parking. Plusieurs femmes ont été victimes d'agressions inédites, certaines ont été même tabassées pour leur voler leurs sacs ou leur contenu, a-t-il ajouté. Ceci dit, la gent féminine n'a pas droit de déambuler seule dans un douar qui n'est pas tout à fait différent du Far West où tous les coups sont permis car dès qu'un objet de valeur est repéré, la femme le portant est aussitôt assaillie. «Ici, on ne porte jamais de boucles d'oreilles», a indiqué Halima qui garde intactes les séquelles de sa dernière mésaventure. «C'est surtout la nuit que nous sentons la peur nous gagner», a-t-elle ajouté. «Ces criminels sont originaires de Sidi El Bachir, ils sont tous connus ici», ajoute-t-on. A qui se plaindre? Hormis les quelques rondes en renforts de la Gendarmerie nationale aucune autre autorité ne semble être à l'écoute de ces «misérables» des temps modernes. Opérations «coup de poing»: la gendarmerie inscrit des programmes spéciaux de rafle. «Mon habitation a été cambriolée par effraction plusieurs fois», a affirmé Hacène, ajoutant que le vol a été effectué en plein jour et jusqu'à ce jour, aucune suite n'a été donnée à sa plainte. Autant d'exemples sont à énumérer, la liste est longue tandis que les citoyens ne cessent de réclamer la présence renforcée des forces de sécurité. Au douar Nedjari, la vie n'est pas aussi paisible. Les stigmates d'un laisser-aller sont constantes. Ainsi, les abords de la route dite du cimetière sont transformés en dépotoirs géants à ciel ouvert. Ces mêmes abords gardent intactes les traces de la dernière incinération des déchets ménagers entassés près des maisons. Il semble que la commune d'Oran exporte son malheur pour l'entreposer dans les nouvelles cités récemment inaugurées de la commune de Bir El Djir: Haï Sabah, El Yasmine, Usto, douar Boudjema, douar Sidi El Bachir en sont des exemples concrets. Ces cités sont classées parmi les grands pôles de la criminalité. Que devient la quiétude du citoyen alors que la criminalité ne cesse de se développer de façon phénoménale?