Lacheb Nourredine est directeur général de l'Office des publications universitaires (OPU) depuis septembre 2002. Financier de formation et titulaire d'un diplôme de MBA (Master of Business Administration), il a occupé plusieurs postes de responsabilité au niveau d'entreprises publiques d'impression et d'édition. Et en marge du Salon international du livre d'Alger (Sila), il a bien voulu accorder un entretien à L'Expression. L'Expression: Comment définissez-vous la ligne éditoriale de l'Office des publications universitaires? Lacheb Noureddine: L'OPU est un établissement public à caractère industriel et commercial assurant une mission de service public conformément à un cahier des charges. De ce fait, la ligne éditoriale de l'OPU porte sur l'édition, la publication et la diffusion d'ouvrages, manuels et polycopies à caractère pédagogique et didactique en direction des étudiants, la mise en place et le développement d'un réseau de distribution, notamment par des librairies au sein des enceintes universitaires, la prise de toutes mesures d'accès et de mise à la disposition des étudiants, enseignants et chercheurs de la documentation universitaire étrangère, notamment par le biais de la traduction d'ouvrages et de documentation spécialisée, la participation à la valorisation des résultats de la recherche scientifique et du développement technologique par la publication et la diffusion des productions scientifiques des enseignants et chercheurs. Qui anime vos éditions? De par leur ligne éditoriale que je viens de définir, les éditions de l'OPU sont animées par des enseignants, professeurs et chercheurs avec la collaboration des conseils scientifiques de l'ensemble des universités et centres universitaires du pays. Dans certains cas, nous éditons des ouvrages dans le cadre de partenariat avec des maisons d'édition étrangères. Pour votre information, l'OPU compte installer bientôt son propre comité scientifique pluridisciplinaire afin de maîtriser la sélection des ouvrages à éditer en adéquation avec les programmes d'enseignements pratiqués et aussi des effectifs des étudiants dans les différentes filières. Pour cette année, quels sont les succès de l'OPU? Nos ouvrages sont tous des succès sur le double plan scientifique et commercial, puisque depuis l'ouverture du Sila à ce jour notre stand a connu une affluence très importante de visiteurs et acheteurs potentiels. Le bilan n'est pas encore fait mais selon les informations recueillies beaucoup d'ouvrages sont épuisés en particulier ceux des sciences médicales, les sciences exactes et technologiques ainsi que ceux traitant du patrimoine culturel. A titre d'exemple, les ouvrages de M.M'Hamsadji Kaddour qui parlent de culture et traditions algériennes dans ses deux tomes intitulés Qasbah Z'men ont connu un grand succès au point où le deuxième tome portant sur le mariage s'est épuisé en l'espace de trois mois. Ce niveau d'intéressement du public démontre la sincérité du contenu en particulier dans l'éclairage du lectorat quant aux traditions ancestrales. Avec le recul, quel sentiment portez-vous sur cette belle aventure à la tête de cette institution, après les moments difficiles que vous avez endurés? Toutes les entreprises sont sujettes à difficultés de différents degrés de gravité; mais l'OPU, durant la décennie 1990, avait atteint un niveau de surendettement sans précédent qui a mis la production à l'agonie. Conscient de la gravité de la situation, les pouvoirs publics, en me désignant à la tête de cette institution dont les missions sont les plus nobles, affichaient une volonté et une détermination accrues à la remettre sur les rails. Ma mission de premier manager se devait de faire les bons choix et les bonnes propositions quant au redressement de l'institution. En effet, le ministère de tutelle nous a apporté toute l'aide nécessaire pour le paiement de l'ensemble des dettes vis-à-vis des fournisseurs étrangers. Le reste des différents choix n'a été dicté que par la logique managériale: «faire plus et mieux avec les moyens disponibles». C'est ainsi qu'ont été initiées les actions: de sensibilisation du partenaire social quant au règlement du volet social et à la relance de la production, de redéploiement des moyens, de remise en marche des équipements de production par l'initiation d'opérations de réparation et de maintenance, de l'introduction de nouveaux produits de matières premières et de nouveaux procédés d'édition visant à l'amélioration de la qualité des ouvrages qui est perceptible aujourd'hui, ainsi que des contacts avec les clients, auteurs et fournisseurs. Toutes ces actions et tant d'autres ont permis à l'OPU de se replacer parmi les grandes maisons d'édition nationales et internationales. Vous voyez bien que ce n'est pas une aventure, mais c'est un défi difficile qui a nécessité beaucoup d'efforts et de dévouement de tout un chacun. Aujourd'hui, étant présent au Salon international du livre et devant l'affluence des lecteurs (étudiants et autres) nous éprouvons une grande satisfaction qui nous pousse à affiner encore plus notre stratégie quant au prix des ouvrages, à la qualité des produits édités, à une meilleure prise en charge de nos auteurs, au développement du contact permanent et du dialogue constructif avec les universités et les centres universitaires pour mieux servir toute la communauté universitaire, à l'écoute du développement technologique et scientifique dans le monde. Que pensez-vous avoir apporté depuis votre arrivée? Au risque de me répéter, l'OPU est passé d'un partenaire social revendicatif à celui sensible et engagé pour relever tout défi, d'un environnement socioprofessionnel périlleux à celui productif, d'une chaîne de production totalement à l'arrêt à celle rénovée, réparée et fonctionnelle, d'une qualité de produit déplorée par nos auteurs à celle, honorable, selon les propos recueillis auprès de ces mêmes auteurs et de nos visiteurs. Enfin l'OPU d'aujourd'hui se porte beaucoup mieux que celui des années 1990, néanmoins, beaucoup reste à faire pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Comment se présente l'économie du livre? De par le monde, le livre n'a jamais été une activité très lucrative. En quelque sorte et d'une manière générale, le livre n'est pas un produit marchand. Quant au cas particulier de l'OPU, notre livre est destiné en premier lieu à la communauté estudiantine connue par ses faibles revenus, ce qui nous renvoie aux missions de service public que nous assumons. Quels sont les épineux problèmes que vous rencontrez? Les problèmes que nous endurons non; que nous avons surmontés ou qu'on essaie de surmonter, oui. A l'instar de toutes les entreprises, l'OPU a connu, connaît et connaîtra des difficultés liées à sa gestion et aux différentes stratégies managériales. En effet, en plus des problèmes explicités plus haut l'OPU, avec l'aide du ministère de tutelle a pu surmonter deux difficultés importantes, à savoir le renouvellement des équipements de production dont les marchés d'acquisition sont en cours, ce qui renforcera et augmentera quantitativement et qualitativement la production du livre, à la construction d'un siège social digne de l'institution. Le reste des problèmes porte sur l'aménagement et l'entretien des différents points de vente à travers l'ensemble du territoire national afin de leur donner un nouveau look et augmenter leur attrait, la recherche de traducteurs de haut niveau, l'achat de droits d'auteurs, de droits d'édition et ou de traduction d'ouvrages étrangers. Peut-on s'attendre à un réel développement du marché du livre en Algérie? La prise en charge par l'Etat de l'organisation annuelle du Sila (qui peut être un baromètre quant à la réaction du public vis-à-vis de cet événement et du livre en particulier), la concrétisation du plan national de création de bibliothèques à travers tout le territoire national, ont un seul et même but qui est de permettre au citoyen algérien de renouer avec le livre ce qui lui redonnerait son importance et le replacerait au centre du développement de la société. Ce défi dont les premiers résultats sont constatés au niveau de nos bibliothèques et confirmés au niveau du 14e Sila par le nombre important d'éditeurs traitant du livre (scolaire, parascolaire, culturel, scientifique, artistique etc.), l'affluence du public dans toute sa diversité d'âge et de niveau intellectuel, l'organisation de la société civile par les visites d'enfants de bas âge, font que l'avenir du livre en Algérie est prometteur, et par conséquent, nous pouvons dire que les prémices d'un développement du marché du livre sont actuellement présents et palpables. Quelle est la position de l'OPU face au développement du livre? L'OPU étant un éditeur important, il fournit et renforce la position du livre et oeuvre à son développement, non seulement par ses éditions purement scientifiques, mais aussi il développe sa ligne éditoriale par des éditions d'ouvrages de vulgarisation scientifique et culturelles. Aussi, et dans ce cadre, l'OPU ne ménage aucun effort pour suivre l'évolution scientifique dans le monde par le biais des coéditions, des achats de droits d'édition, de traduction et en partenariat avec des éditeurs locaux et étrangers selon les choix définis par nos universités. Quelles seront vos priorités? Nos priorités sont axées sur le développement des connaissances scientifiques en général qui passent obligatoirement par le soutien et l'accompagnement du nouveau système d'enseignement supérieur et son développement, le rapprochement et la mise à disposition du livre universitaire auprès de l'étudiant et des bibliothèques universitaires, la participation à la valorisation de la recherche scientifique et du développement technologique en relation avec nos universités et les différents centres de recherche, l'intérêt particulier à accorder à l'édition d'ouvrages de vulgarisation scientifique et leur mise à la disposition du grand public. Un dernier mot? En tant qu'éditeur, j'éprouve un sentiment de joie, je dirais même un sentiment paternel vis-à-vis de chaque livre édité parce qu'il dispose d'une histoire auprès de son auteur et une autre auprès de son éditeur. Je souhaite que chaque livre édité continuera son histoire avec son lecteur pour que l'objectif de son édition soit atteint. Le bonheur de l'OPU réside dans l'apport de ses éditions dans le développement de la science et le savoir dans le milieu universitaire et dans la sensibilisation de la société. Dans ce domaine, les médias et en particulier la presse écrite ont un rôle déterminant quant à la mise à la disposition du public de l'information relative à l'édition de nouveaux ouvrages en général et à leur importance dans les domaines scientifiques, culturels ou autres. Dans ce cadre, je tiens à remercier la presse et votre quotidien en particulier pour avoir réservé une page au livre dans ses éditions. Je tiens également à remercier les organisateurs du Sila dans sa 14e édition ainsi que tous les auteurs et éditeurs qui ont contribué à l'enrichissement de ce Salon par de nouvelles éditions sans oublier le public.