«Est-ce que quelqu'un qui a plus de 40 ans d'expérience et qui enseigne à des cadres à l'université et qui s'occupe de la graduation des professeurs peut être incompétent, je crois que c'est faux?», dit-il dubitatif. L'affaire du limogeage du directeur de l'Institut Pasteur n'a pas encore livré tous ses secrets. L'explication avancée par le ministre est loin d'être convaincante. Interrogé sur les raisons de cette décision, à l'issue de la plénière consacrée aux questions orales jeudi dernier au Sénat, le ministre de la Santé et de la Réforme hospitalière, Saïd Barkat a répondu froidement. «C'est le ministre qui l'a désigné, qui l'a démis de ses fonctions», a-t-il affirmé en précisant qu'il reprochait à ce responsable son incompétence dans la gestion de l'institut. Or, la réalité apparaît tout autre. Au niveau de l'Institut Pasteur, un autre son de cloche se fait entendre. Le personnel est jusqu'à présent sous le choc suite à la décision de mardi dernier. «C'est un professeur très compétent», a confié un responsable au niveau de cet institut. S'exprimant sous couvert de l'anonymat, notre interlocuteur précise: «Ce n'est pas la première fois qu'il assure la direction de l'institut.» Déçu par cette décision, notre vis-à-vis témoigne que le professeur Abadi était un modèle pour le personnel de l'institut. «Cela fait 26 ans que je travaille ici et je n'ai jamais constaté quelque chose dans son comportement ou dans son travail», a-t- il affirmé avec un air interrogateur. Revenant sur la déclaration du ministre, ce responsable se demande: «De quelle compétence on parle?». «Est-ce que quelqu'un qui a plus de 40 ans d'expérience, qui enseigne à des cadres à l'université et qui s'occupe de la graduation des professeurs peut être incompétent? Je crois que c'est faux», estime-t-il. Une autre personne s'est invitée à la discussion pour apporter son témoignage. «C'est un professeur très compétent et un homme correct», a-t-il assuré en ajoutant: «Vous pouvez demander à n'importe qui ici, il vous dira que c'est un homme très correct, loyal.» Irrité par cette décision, cet agent ne s'est pas arrêté là pour défendre son ex-directeur. «De l'agent en passant par le chef de service jusqu'aux responsables, tout le monde reconnaît la compétence de M.Abadi», a-t-il encore appuyé avec acharnement. Cet agent refuse de parler de mauvaise gestion et avance une autre explication. «Ce n'est pas pour motif d'incompétence qu'il a été limogé, c'est pour autre chose que tout le monde sait ici»,a-t-il insisté avant de lâcher le morceau. «Avec lui, il n'y a pas de tchipa», avoue cet agent qui précise que le directeur n'arrange pas certaines personnes au sein du ministère. L'autre responsable reprend la parole pour soutenir que le directeur a hérité d'une situation critique qu'il essaie de redresser. «Il a trouvé beaucoup de trous dans la gestion», a-t-il reconnu en affirmant avec regret: «Certaines parties n'apprécient pas lorsque une personne s'attaque au mal.» Notre interlocuteur soutient que l'affaire se résume à un règlement de comptes. «Le département n'a pas maîtrisé la situation, pour preuve, les contradictions sur le nombre de morts et les quantités de vaccins réceptionnées l'illustrent parfaitement», a-t-il encore précisé le visage gagné par la colère. En signe de solidarité avec le directeur, le personnel de l'Institut organise aujourd'hui une action de protestation pour dénoncer cette décision arbitraire. «Vous allez voir demain au niveau de la direction générale de Pasteur sise à Dely Ibrahim le témoignage des travailleurs de l'institut», assure l'agent. Mercredi dernier, plusieurs dizaines de travailleurs se sont rassemblés à l'intérieur de l'institut en signe de solidarité avec le Dr Abadi et pour «rejeter la nomination d'un nouveau directeur».