«Dites-moi quelles sont les chansons que vous voulez que je vous interprète», lance Nouara de sa belle voix qui fait rêver. Contre toute attente, des dizaines de voix du fond de la salle répondent spontanément en clamant le nom de Matoub Lounès. Des jeunes filles n'arrêtent pas de crier «Matoub, Matoub! Achewiq n Matoub». L'assistance est surexcitée. Pouvait-on écouter Nouara sans penser au plus grand artiste kabyle? L'album enregistré en duo en 1992 (Hymne à Boudiaf- El Mahna) est resté comme l'un des meilleurs de Matoub. Nouara avait accompagné Matoub Lounès dans pas moins de quatre chansons: Ayemma sebr ur tsru, Communion avec la patrie, Hymne à Boudiaf et Tassadit. Le public a pu alors découvrir le résultat artistique quand les deux plus belles voix se conjuguent. Mercredi et jeudi derniers, c'est donc naturellement que le public a répondu en lançant à tue-tête le nom du poète de Taourirt Moussa. Même Nouara n'avait pas l'air surprise puisqu'elle semble s'être préparée. Elle demande à l'orchestre de marquer une pause et interprète un long prélude d'une chanson enregistrée par Matoub Lounès dans son album Assirem, sorti en 1996. La salle plus que jamais est plongée dans un silence olympien. Seule la voix attendrissante de Nouara caressait inlassablement les oreilles des mélomanes impressionnés. Pendant quelques minutes, l'ombre de Matoub a plané dans une salle où l'émotion était à son summum. On se demanderait à juste titre comment une voix et le souvenir d'un homme extraordinaire pouvaient avoir un tel impact sur des centaines de personnes sans qu'il n'y ait aucune fausse note. Toute la salle a adhéré à ce moment de recueillement de manière unanime. C'est dire le respect que les fans vouent toujours à Matoub Lounès, plus de onze années après son lâche assassinat. Jamais Nouara n'a été autant glorifiée qu'après cet hommage solennel au Rebelle. Spontanément, toute la salle s'est mise debout et toutes les femmes lançaient des youyous stridents. Pendant quelque trente secondes, les ovations n'ont pas cessé. A la fin du spectacle, quand un invité avait pris la parole pour remercier Nouara, ce dernier a cité quelques noms de grands artistes et le public a vite fait de rectifier en ajoutant le nom de l'incontournable Matoub Lounès. Peut-on d'ailleurs parler de la chanson kabyle sans citer Matoub Lounès? Le public de Nouara a répondu clairement à cette question.