Le chef de l'Etat a annoncé cette double dissolution fracassante en invoquant la «grave crise» qui secouait depuis plus d'un mois la Commission électorale indépendante (CEI), chargée d'organiser le scrutin présidentiel. Après la dissolution du gouvernement et de la commission électorale par le président Laurent Gbagbo, c'est tout le processus électoral ivoirien qui se trouve suspendu, avec une conséquence: reportée depuis 2005, la présidentielle est encore renvoyée à une date indéfinie. Le vendredi 12 février restera comme une date marquante de la chronique, déjà riche en coups de théâtre, de la crise née en 2002 du putsch manqué qui a coupé le pays en un nord rebelle et un sud loyaliste. Le chef de l'Etat a annoncé cette double dissolution fracassante en invoquant la «grave crise» qui secouait depuis plus d'un mois la Commission électorale indépendante (CEI), chargée d'organiser le scrutin présidentiel sans cesse repoussé depuis la fin de son mandat. Le président de la CEI, Robert Beugré Mambé, qui appartient à l'opposition, était accusé par M.Gbagbo, ses partisans et le parquet d'avoir cherché à inscrire «frauduleusement» quelque 429.000 personnes sur la liste des votants. Une CEI affaiblie dont le chef, appuyé par l'opposition, clame son innocence et refuse de démissionner, des commissaires du camp Gbagbo qui se retirent: le processus électoral, qui depuis le recensement lancé en septembre 2008 avait suivi un parcours laborieux mais quasi-continu, s'est à nouveau grippé. La suspension du contentieux judiciaire sur la liste en aura été, la semaine dernière, un autre symbole. Cette opération avait débouché sur des violences: dans l'intérieur du pays, des manifestants d'opposition protestaient contre des procès en radiation de présumés étrangers, voulus par les partisans de M.Gbagbo en vue d'une liste «propre». Ces incidents ont rappelé que la question de la nationalité reste explosive, plus de sept ans après que la rébellion a pris les armes au nom de populations du nord - majoritairement musulman - s'estimant stigmatisées. Le gouvernement et la CEI dissous, l'interruption du processus électoral se trouve entérinée de manière éclatante. Le leader de la rébellion rebaptisée Forces nouvelles (FN), Guillaume Soro, a été reconduit au poste de Premier ministre qu'il occupe depuis l'accord de paix de 2007. Il doit former un nouveau cabinet - prévu avant la fin de la semaine, selon son entourage - et proposer le «format» de la nouvelle CEI. Mission: parvenir enfin à l'élection. Début décembre, elle avait été officiellement fixée à fin février-début mars. Courant janvier, en pleine «affaire Mambé», on évoquait, côté présidence, le «printemps». Mais, après le coup de tonnerre de vendredi, «il n'y a plus de délai», souligne un observateur. «Tout dépend du rythme auquel gouvernement et CEI vont se mettre en place», concède un proche de M.Soro. Or, la formation de ces nouvelles équipes s'annonce délicate. Le précédent gouvernement associait pro-Gbagbo, FN et opposition. Mais cette dernière, ulcérée et groggy après le «coup d'Etat» dont elle accuse le président, a semé le trouble en appelant à «s'opposer par tout moyen» au pouvoir. Composer une CEI «new look» pourrait être un autre casse-tête. Le camp Gbagbo paraît résolu à en finir avec la domination de cette structure par ses concurrents. «2010 pourrait être l'année de l'élection de la nouvelle CEI...pas du nouveau président», glisse une source onusienne, redoutant un processus de très longue haleine. Pour ses adversaires, l'affaire est entendue: Laurent Gbagbo veut retarder le scrutin jusqu'au cinquantenaire de l'indépendance en août, voire jusqu'en octobre, et boucler ainsi un «deuxième mandat» contesté. L'intéressé assure pourtant que l'issue est proche. Il ne s'agit plus, dit-il, que de conduire «les dernières actions» pour tourner les pages les plus sombres de l'histoire du pays.