Femme-misogyne l'écrivain «Chevalier d'Eon» des temps modernes sort un nouveau roman La vie heureuse. L'auteur de Garçon manqué vient de publier un nouveau roman chez Stock, son 7e intitulé La vie heureuse. Invitée à cette occasion à Vol de nuit, une émission littéraire qui est passée mardi dernier sur TF1, Nina Bouraoui se prêtera aisément et sereinement au jeu des questions de celui qui se plaît à troquer, son rôle de présentateur JT pour celui de critique littéraire, Patrick Poivre d'Arvor (Ppda). Ce dernier présentera le roman comme un «livre qui retrace l'adolescence de l'héroïne», chose que Nina réfutera d'emblée. La vie heureuse un roman ou une autobiographie? Disons une fiction autobiographique: «Je crois que le je ou le moi littéraire est un je et un moi modifié, transformé et le je de ce que je suis aujourd'hui est extrêmement libre et je n'ai pas à renier ma vie. Je crois que tous les écrivains prennent de leur vie, c'est une évidence». Plutôt qu'un livre sur l'adolescence, Nina préfère le d'écrire comme un livre d'amour, la trame du roman, en fait: «Je ne peux pas le qualifier ainsi, du moment qu'il s'agit d'une histoire d'amour entre deux jeunes ». Un amour que l'écrivain qualifie de «fondateur, extrêmement important». «Les premières héroïnes ou premiers héros qu'on rencontre à 16 ans façonnent notre vie amoureuse future». La vie heureuse est un livre très coloré, écrit dans un style impressionniste, composé d'un grand nombre de chapitres, très courts d'ailleurs. Tout se passe dans le début des années 80, les années de l'insouciance, mais aussi, de l'avènement du sida. Tout bascule. La vie et la mort prennent un nouveau sens. Le livre s'ouvre avec la mort d'un chanteur, première victime emblématique du sida. La musique des années 80 est présente dans ce roman. «La vie heureuse, est l'histoire de Marie et Diane. Diane est une jeune femme que je qualifierai d'Hollywoodienne, dit Nina parce qu'elle est actrice vénéneuse, toxique, très intelligente qui aime les hommes et les , qui est surtout une séductrice. Marie est encore dans l'adolescence, elle est à un tournant de sa vie où elle n'est pas encore adulte. Elle connaît l'amour physique avec les garçons, mais sans issue. Elle a une révélation qui est aussi une révolution par ce désir-là, foudroyant qui est une véritable joie amoureuse. Il y a de l'intelligence dans cet amour-là. C'est-à-dire, qu'elle devient humaine, elle entre dans l'existence grâce à Diane». Profonde dans ses réflexions existentielles, Nina tend à percer l'énigme de la vie, le secret de l'amour. Un paradoxe: «C'est un livre sur l'abandon aussi. Qu'est-ce qu'on abandonne de soi quand on donne à l'autre? Pourtant, quand on est adolescent on est dans une phase de construction et de déconstruction de soi. Je crois que tout est question de vie et de mort». Justement, Marie ou Nina, c'est kif-kif, va subir un drame familial, le décès de sa tante, un personnage central de sa famille qui meurt après une longue agonie. Le drame mais aussi la légèreté vont cohabiter «parce que ces années-là, étaient bizarrement très romantiques, de par la musique, c'était le temps de nos premières idoles, Madonna, Michael Jackson... On sort beaucoup. C'est vrai qu'à 16 ans on a, à la fois, peur de la mort, mais on flirte souvent avec.», dit Nina pensive. Et Ppda de savoir si elle a revu depuis Diane. «J'ai revu Diane, il y a 15 ans, puisqu'on parle de roman autobiographique, la preuve qu'elle existe. Elle vit quelque part sur cette terre, heureuse...j'espère», lui rétorque-t-elle. Evoquant les motifs qui l'ont poussée à rédiger ce roman, l'auteur après avoir affirmé ne pas vouloir faire un roman avec la violence qu'on peut connaître sur les amours homosexuels, se demandera en fin de compte, après avoir marqué un temps d'arrêt, si elle écrivait pour être aimée. «Peut-être pour séduire aussi. Je ne sais pas si l'écriture passe par-là, la lecture en tout cas de ce livre, je l'espère». Nina Bouraoui en mal de repères? En cherchant à en savoir plus, Ppda, l'analyste des mots, lâche: «Surtout que vous avez parfois un peu de mal à vous dépêtrer de vos racines. Vous les appréciez, les acceptez. Elles ne sont pas si simples: une mère bretonne, un père algérien, cette enfance du côté de Saint Malo...on voit bien que vous n'êtes pas une petite fille comme les autres et puis vous ne serez jamais une petite fille comme les autres»...Et Nina d'acquiescer: «C'est vrai et c'est tant mieux, je suis née après l'indépendance. Sur moi pèse une responsabilité et un combat peut-être de faire aimer les Algériens et les Français, qu'ils s'aiment entre eux parce que le chemin est encore long...Je n'ai pas de problèmes d'identité parce que je suis assez soldat dans ma tête. Il y a une violence en moi qui est positive. Je réussis à m'assumer dans mes choix amoureux où ce n'est pas évident d'être une femme qui écrit. J'ai quelque chose de très sensible en moi. Une déchirure qui se referme de plus en plus car les livres aident aussi à cela». Décidément, bien curieux, Ppda interroge Nina sur son état d'âme: «Vous sentez-vous toujours Garçon manqué comme vous l'avez dit dans un de vos romans?» Et Nina Bouraoui de répondre tout de go «Mais, oui, heureusement! Je crois qu'on a tous du mal à réunir l'image intérieure et extérieure. C'est très difficile parce que je me sens assez garçon, parfois, assez misogyne, c'est terrible de dire ça, je peux avoir le regard d'un homme de temps en temps et puis je suis une femme aussi... heureusement». Et Ppda de conclure par cette appréciation: «La vie heureuse, un roman publié chez Stock est un très beau livre, qui donne envie d'aimer avec ferveur».... Un roman qui pose un regard singulier sur un amour singulier. Gageons qu'il sera disponible le 18 septembre, lors de la prochaine édition du Salon international du livre et surtout à un prix abordable!