«Des efforts doivent être fournis par des linguistes pour l'enrichir et la mettre à la portée des usagers, y compris les non- berbérophones, c'est cela l'enjeu!», affirme l'anthropologue, M.Salhi. Indéniablement la langue amazighe constitue un patrimoine immatériel à préserver. En ce «Mois du patrimoine» inauguré le 18 avril dernier cette question est d'autant plus d'actualité aujourd'hui avec la célébration du 30e anniversaire du Printemps Amazigh. 15 ans après son introduction dans le système éducatif, et 8 ans après sa constitutionnalisation, la réhabilitation et la promotion de l'Amazighité en Algérie accusent un retard flagrant. Son enseignement dans certaines régions du pays rencontre d'immenses difficultés entravant ainsi son épanouissement en tant que langue nationale. Pour l'anthropologue Salhi, auteur notamment du livre Algérie, citoyenne et identité, la langue amazighe a été occultée pendant longtemps. Maintenant, c'est devenu un chantier ouvert qui tend à s'imposer comme langue de communication et peut-être de recherche. «C'est l'affaire des spécialistes et des usagers qui devraient songer à une démarche qui aiderait l'insertion de cette langue dans le champ social de la communication, y compris dans l'administration de sorte qu'elle ne soit pas seulement un outil, limité au folklore, etc.». Selon M.Salhi il y a un gros travail qui doit être fait. «La question est là. Il faut travailler à lui donner un statut valorisant que ce soit dans l'enseignement ou chez les usagers. C'est important. Evidemment, des efforts doivent être fournis par des linguistes pour l'enrichir et la mettre à la portée des usagers y compris les non-berbérophones, c'est ça l'enjeu!» Interrogé sur le taux d'enseignement de cette langue en Algérie, M.Haddadou, professeur de linguistique à l'université de Tizi Ouzou, souligne que beaucoup d'efforts ont été faits en ce sens, mais qu'il est difficile de rattraper un retard de plus de deux mille ans. «La langue amazighe n'est pas en position de force par rapport à d'autres langues comme l'arabe ou le latin, ces langues ont longtemps occupé la scène. Il faut aménager la langue amazighe, la préparer à assumer les fonctions modernes. Il faut faire un travail d'aménagement linguistique pour la rendre apte à traduire les réalités d'aujourd'hui. Il manque beaucoup de terminologies scientifique, et technique», s'est-il exclamé. S'agissant de la lutte en arabe et latin pour traduire et écrire le tamazigh, M.Hadadou a une idée bien tranchée sur la question. «Il faut songer à utiliser le caractère tifinagh qui va résoudre ce problème de caractère.» Avis non partagé par Saïd Chemakh, docteur en linguistique berbère, qui revendique pour sa part les caractères latins selon une tradition d'écriture de Tamazight en caractères latins qui daterait au moins du XIXe siècle. Quoi qu'il en soit, c'est aux spécialistes de trancher la question. Et aux linguistes de proposer la solution réaliste. C'est en fixant une langue qu'on assure sa pérennité.