Les attaques terroristes visant les installations de gaz naturel en Méditerranée ne sont pas à écarter. La recherche accrue de la sécurisation des frontières Sud de l'Algérie ne doit pas faire oublier que les menaces terroristes peuvent aussi venir de la mer. Cette réalité vient d'être rappelée par l'Institut espagnol d'études stratégiques. Un résumé de son étude réalisée en février dernier est rendu public par l'Institut de prospective du monde méditerranéen, installé en France. Le rapport s'inquiète des conséquences politiques, économiques et sociales du statu quo énergétique en Méditerranée. Ces questions apparaîtront d'autant plus pertinentes si l'on a à l'esprit le fait qu'aucun plan pan-méditerranéen n'existe pour faire face aux conséquences d'un accident majeur ou d'une attaque terroriste qui affecterait les installations de gaz naturel sur les deux rives de la Mare Nostrum. C'est en ces termes que la menace est identifiée. Et les diverses manoeuvres navales menées par l'Algérie en collaboration avec des forces européennes dont celles de la France, visent à prévenir ces risques. Même la flotte américaine patrouille dans les eaux méditerranéennes. Ce qui n'est pas toujours au goût des pays riverains. Mais la sécurisation du trafic international transitant par Gibraltar et Suez impose cette présence. Même si les conflits à l'est méditerranéen sont déjà assez embrasés pour ne pas lâcher la pression. Le déficit énergétique de l'Europe, notamment en gaz naturel, va continuer d'augmenter. Conduisant à un besoin tout aussi croissant de recherche de sécurité. Quelle sécurité sera-t-elle partagée par l'Algérie? Quels seraient ses atouts pour éloigner la prépondérance étrangère dans la sécurité méditerranéenne? Et est-ce que la France, seule puissance nucléaire déclarée de la région, partagera équitablement les leviers de la décision avec ses voisins? De toute façon, les liens sont pressentis à s'accentuer entre les deux rives de la Méditerranée à tel point que la sécurité ne peut plus être laissée entre les mains des pays du Sud. L'enjeu est trop important pour l'Europe pour confier aveuglément son destin énergétique à des producteurs d'hydrocarbures. La production du Vieux-Monde en gaz passerait de 239 milliards de mètres cubes en 2005 à 107 milliards de mètres cubes en 2030, selon la Commission européenne. L'Observatoire méditerranéen de l'énergie est plus pessimiste puisqu'il avance la prévision de 66 milliards de mètres cubes en 2030. D'après l'Institut espagnol d'études stratégiques, en 2006, l'Europe a importé 60% de ses besoins en gaz, et elle pourrait atteindre les 84% en 2030. Ces chiffres recueillis auprès de la Commission européenne ne font que mettre en exergue l'intérêt stratégique pour l'Europe de renforcer ses liens avec les exportateurs du sud de la Méditerranée, est-il poursuivi. L'Algérie en exporte environ 80 milliards de mètres cubes. Et on voit bien que les prix ne constituent pas la seule pierre d'achoppement dans le commerce mondial du gaz. Pourtant, la récente conférence d'Oran a axé ses efforts sur cet unique point sans évoquer la stratégie de prévention contre le terrorisme. La tâche est laissée à d'autres forums comme le dialogue des «5+5» ou encore le dialogue du Sud avec l'Otan. Le fait que l'Espagne, qui préside actuellement l'Union européenne, évoque ce problème n'est pas fortuit. Le deuxième sommet de l'Union pour la Méditerranée se tiendra sur son territoire en juin prochain. Et il n'est pas du tout exclu que la question soit évoquée. Même s'il est probable qu'elle fasse l'objet d'une programmation officielle. Attaques contre les tankers et sabotage des gazoducs sous-marins ou encore des plates-formes de chargement sont autant de scénarios possibles de perturbation de l'approvisionnement. A l'intérieur des terres, les attaques ne sont pas, non plus, écartées. La menace est portée à la connaissance de l'opinion publique au moment où l'Algérie défend, bec et ongles, sa souveraineté contre l'ingérence des puissances étrangères sous prétexte de sécuriser leurs ressortissants. C'est l'Institut national d'études stratégiques globales qui s'est chargé de prêcher la bonne stratégie. L'Union européenne est appelée à envisager d'intégrer l'énergie dans sa politique étrangère et reconnaître qu'elle passera par la mise en place de relations plus étroites avec ses voisins du sud et de l'est de la Méditerranée. Avec le surplus de menaces que cela engendre.