Cinquante ans après, Camus attise toujours les rancoeurs. Peut-on parler de l'auteur de L'Etranger sans pour autant sombrer dans des polémiques absurdes et stériles concernant ses positions politiques? La question ainsi posée, la réponse serait assurément, non. Preuve en est, un débat houleux a été suscité, avant-hier, lors d'une rencontre littéraire organisée au Centre culturel français d'Alger, autour du dernier livre de Stéphane Babey sur Albert Camus, intitulé, Camus, une passion algérienne. En effet, et en faisant allusion au silence pour lequel Camus avait opté lors de la guerre en Algérie, un intervenant lancera: «Le malheur de Camus, c'est d'être né dans une époque où on ne pouvait pas se dérober, c'était de la lâcheté...» Cet argument, enrobé dans un discours ultranationaliste, refait constamment surface dès lors qu'on évoque le nom de l'écrivain en Algérie. Pour répondre, Stéphane Babey dira tout simplement: «L'homme est avant tout un artiste, c'est la seule définition dans laquelle il pouvait se reconnaître. Et pour lui, le rôle d'un artiste est celui d'apporter un rayon de lumière au milieu de la misère.» Pour cet écrivain et journaliste, Camus faisait partie de ces êtres hybrides qui sont également et d'une certaine manière, des victimes du système colonial. Camus, faut-il le rappeler, était une personne déchirée entre deux appartenances, constamment rappelé à l'ordre. Sommé de choisir un camp au détriment d'un autre. Cette passion qu'avait Camus pour l'Algérie se transformera, au cours de la guerre de Libération en déchirure. «Mais même s'il avait opté pour le silence, Camus n'a jamais cessé de dénoncer les injustices dont souffraient les Algériens, ces écrits journalistiques en témoignent», ajoutera le conférencier. Camus, une passion algérienne avant tout! C'est ce que tentera d'expliquer tant bien que mal, Stéphane Babey, au cours de son intervention. «L'oeuvre de cet écrivain est indissociable de la terre algérienne. S'il n'y avait pas Belcourt, Alger ou encore Tipaza, il n'y aura pas eu de Camus», affirmera-t-il. Censé être un débat riche et constructif, ladite rencontre se transformera en un procès intenté contre l'auteur de L'Homme révolté. Donnant ainsi l'impression que tout intellectuel, journaliste ou écrivain désirant écrire un ouvrage ou même animer un débat autour de ce prix Nobel est condamné à se transformer en avocat contre ceux qui usent et abusent de théories simplificatrices et de langage ultranationaliste. «Camus avait horreur du dogme, qu'il soit religieux, politique ou autre. Il est tout simplement contre le totalitarisme sous n'importe quelle forme qu'il soit. Sur la question Camus était intransigeant», expliquera Stéphane Babey. Ce dernier abordera au cours de sa communication, l'esthétique dans l'oeuvre de l'écrivain. Le paysage algérien occupe une part extrêmement importante dans l'oeuvre de Camus. Pour étayer ses dires, Babey évoquera Noces, un ouvrage d'une grande sensualité sur Tipaza. «Dans l'oeuvre de Camus, il y a une sorte d'érotisme et de sensualité à l'égard de cette terre algérienne.»