Les algériens n'ont jamais autant célébré l'auteur de "La peste". Albert Camus dont le 50ème anniversaire commémoratif de son décès est intervenu le 04 janvier passé et dans tous les agendas culturels. Ici comme ailleurs, on célèbre l'auteur "Des possédés", on s'interroge sur ses origines, ses engagements, son lien avec sa terre natale, l'Algérie. Récemment, dans l'hexagone, le Président français Nicolas Sarkozy a émis le souhait de voir transférer la dépouille de l'écrivain du cimetière de Lourmarin, en Provence, au Panthéon où reposent déjà Victor Hugo, Jean-Jacques Rousseau ou Emile Zola. Un geste politique très symbolique, mais qui n'a pas eu d'écho puisque les enfants de l'écrivain avaient vu dans cet entrain une sentence équivoque. La semaine dernière le Centre culturel français a choisi de célébrer le 50ème anniversaire du décès d'Albert Camus avec un menu hyper symbolique. Quelques textes de " La chute " le dernier roman d'Albert Camus (1956) écrit trois ans avant sa mort ont été déclamés par Robert Angebeaud, un insoumis de la guerre, à Oran, un espace où l'auteur avait planté ses personnages de " La peste ". Robert Angebeaud qui a refusé de prendre les armes contre les Algériens avait fait 27 mois de taule. D'autres conférences ont également eu lieu à Alger, dans les autres centres culturels d'Arts et Culture du CCF etc… Le 23 janvier prochain, le centre culturel algérien à Paris que dirige l'écrivain Yasmina Khadra, un mordu de Camus, démarrera une caravane dédié à "l'Homme révolté ". Celle-ci partira du Centre culturel algérien (CCA) de Paris et sillonnera plusieurs villes françaises et algériennes pour célébrer le 50ème anniversaire de la mort de l'auteur de "L'étranger". Les organisateurs du "Club Camus Méditerranée" ont donné jeudi soir une conférence de presse au CCA de Paris pour présenter les grands axes de cette caravane devant se rendre, en février, dans les villes de Perpignan, Narbonne, Montpellier et Nîmes, puis, en avril prochain, à Alger, Annaba, Oran, Tlemcen, Bejaïa, Tizi-Ouzou et Tipaza. Un livre sur "Les racines algériennes d'Albert Camus " a été présenté jeudi dernier au CCA en présence du responsable de cette structure. Cet ouvrage est signé par l'écrivain, journaliste, Stéphane Babey et sorti le 5 janvier dernier. Beaucoup a été dit sur Camus, son engament équivoque pour la libération inconditionnelle de l'Algérie, son écriture à laquelle il doutait après avoir reçu le prix noble de littérature, son écriture qu'on disait à dictée mais il n'y a rien qu'à reprendre ses livres, sa mémorable polémique avec Jean Paul Sartre pour comprendre l'homme, l'écrivain. Dans La chute, Albert Camus raconte la confession d'un homme à un autre, dans un bar d'Amsterdam. La particularité de ce roman tient au fait que l'homme qui se confesse parle, seul, durant tout l'ouvrage, sans intervention aucune du narrateur pour nous décrire la scène, vue de l'extérieur, mais aussi à l'ambiance très sombre et déshumanisée de cette confession. On y retrouve les thèmes chers au prix Nobel de littérature, explorés déjà dans l'Etranger, à savoir, l'absurde, la prise de conscience, l'avenir qui ne peut se concevoir sans liberté. Considéré par les existentialistes comme un apprenti philosophe, par d'autres comme " un écrivain à dictée", Simone de Beauvoir ainsi que son compagnon Jean Paul Sartre ont toujours reproché à Camus son côté frileux, moraliste et surtout, " son complexe " d'appartenir, d'être issu d'une catégorie sociale populeuse et illettrée (sa mère illettrée faisait des ménages à Belcourt). Pourtant l'auteur de "l'Etranger" a longtemps fréquenté le Saint Germain des Prés, le quartier parisien où s'incarnait l'existentialisme qui n'était pas seulement une philosophie mais une manière de vivre. Il avait offert à Sartre des pages dans le journal qu'il commandait, " Combat " et l'a même envoyé aux USA pour un reportage. De cela, De Beauvoir disait dans " La force de choses " : " Je n'ai jamais vu Sartre aussi heureux ". C'était après la guerre que les relations entre les deux hommes s'étaient détériorées au point de devenir publiquement exécrables. Camus rompait avec les communistes et dénonçait les camps staliniens, Sartre les ménageait autant que De Beauvoir. Mais la guerre d'Algérie sera fatale pour les deux hommes. De nouveau Sartre, partisan de l'indépendance, reprochera à Camus ses vues mitigées puisqu'il voulait croire à un compromis. Le fil est rompu. A un musulman qui lui posait une question sur la justice, Albert Camus a répondu que s'il avait à choisir entre la justice et sa mère, il choisirait sa mère. Cette réaction avait plutôt choqué d'autant qu'Albert Camus selon les écrits de Simone de Beauvoir n'était pas très clair sur son engagement pour la liberté totale et indéfectible du peuple algérien. Albert Camus trouve une mort absurde dans un accident de voiture à bord d'une Facel-Véga (très luxueuse et très puissante automobile de marque française, atteignant facilement les 200 km/h) conduite par son ami Michel Gallimard, le neveu de l'éditeur Gaston.