L'état d'urgence a été décrété après l'assassinat du président Anouar el-Sadate en octobre 1981 par des islamistes, et reconduit sans discontinuer depuis. L'Egypte devait proroger hier pour deux ans l'état d'urgence en invoquant la lutte contre le terrorisme et la drogue, malgré les critiques dans le pays et à l'étranger accusant ce dispositif en vigueur depuis près de 30 ans de servir à réprimer les libertés. Le Premier ministre Ahmed Nazif a présenté une demande de renouvellement en début d'après-midi d'hier au Parlement, largement dominé par le parti national démocratique (PND) du président Hosni Moubarak, qui devait l'entériner sans difficulté. «Le gouvernement, dans sa demande d'extension de l'état d'urgence pour deux ans, s'engage à ne pas utiliser les mesures d'exception disponibles pour autre chose que la lutte contre les menaces du terrorisme et de la drogue», a déclaré M.Nazif. L'état d'urgence a été décrété après l'assassinat du président Anouar el-Sadate en octobre 1981 par des islamistes, et reconduit sans discontinuer depuis. La loi, prolongée pour deux ans en 2008, vient à échéance le 31 mai. Sa prorogation survient alors que le pays aborde une période électorale chargée, avec un renouvellement partiel de la chambre haute (Choura) en juin, des législatives à l'automne et une présidentielle en 2011. Des manifestants se sont rassemblés devant le Parlement à l'appel de mouvements d'opposition. Certains portaient des posters affichant un squelette symbolisant le peuple égyptien avec une corde -la loi d'urgence- autour du cou. D'autres portaient des pancartes sur lesquelles était écrit: «Moubarak dit que nous sommes un pays stable mais le PND dit que nous sommes en état d'urgence». L'opposant le plus en vue, l'ancien chef de l'agence internationale de l'énergie atomique (Aiea) Mohamed El Baradeï, fait depuis des mois de cette loi une de ses cibles privilégiées. Cette législation qui donne des pouvoirs élargis à la police en matière d'arrestation et de détention, et permet le renvoi devant des tribunaux d'exception, est régulièrement critiquée par les organisations de défense des droits de l'Homme, des capitales occidentales et l'opposition égyptienne. Le ministre chargé des Affaires juridiques, Moufid Chéhab, a toutefois insisté lors d'une conférence de presse sur le fait que cette prorogation n'était pas liée au calendrier électoral, et n'avait pas d'objectif politique. «La loi d'urgence ne s'applique en aucun cas aux élections», a-t-il assuré. Il a ajouté que le texte excluait désormais l'usage des dispositions de l'état d'urgence à des fins de surveillance des moyens de communication, de censure et de fermeture des médias, ou encore pour confisquer des biens ou ordonner des évacuations. M.Chéhab a renouvelé l'engagement du gouvernement de mettre fin à l'état d'urgence dès qu'une loi anti-terroriste spécifique serait adoptée, mais il a reconnu qu'un tel texte n'était pas encore prêt. Début 2010, l'organisation américaine de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch a appelé le Caire à abroger cette «loi d'urgence draconienne» qui contribue à «l'image d'Etat policier qu'a l'Egypte à l'étranger». Le maintien de l'état d'urgence a également été au centre des critiques durant l'examen en février de la situation en Egypte par le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU. En avril, des manifestants réclamant la fin de l'état d'urgence ont été battus par la police au Caire, et plusieurs dizaines de personnes arrêtées avant d'être relâchées le lendemain. L'état d'urgence a coïncidé avec l'accession au pouvoir de M.Moubarak, successeur de Sadate. M.Moubarak, qui a subi en mars une ablation de la vésicule biliaire, n'a toujours pas fait savoir s'il se présenterait pour un nouveau mandat.