Dans cet entretien, l'artiste évoque son actualité, son parcours et son identité amazighe. L'Expression: Qui est Samy Syphax? Samy Syphax: Je suis né à Felka, un petit village situé à une dizaine de kilomètres de Tizi Ouzou. J'y ai vécu ma petite enfance. Puis, je me suis installé à Alger, à Belcourt, ainsi qu'à Saint-Eugène. De retour en Kabylie, j'ai vécu dans un village du nom de Timizar-Loghbar, village où j'ai passé mon adolescence jusqu'à l'âge de 18 ans. Puis me voilà parti en France, à Paris. J'avais aussi le virus du dessin et de la sculpture. Mes quartiers préférés étaient Saint-Michel et Saint-Germain-des-Prés, où se côtoyaient toutes les nationalités du monde, touristes américains, anglais... C'est à cette époque que j'ai vraiment commencé à apprendre à jouer de la guitare; je jouais avec eux, et je leur piquais quelques accords par-ci, par-là. Je jouais les chansons des Beatles, évidemment, mais aussi le fameux Pénitencier, de Johnny Halliday. Quelques années plus tard, j'entrais au conservatoire, afin d'apprendre un peu le langage musical. J'y fis une année de guitare, une année de chant et une année de piano. A la suite de tout cela, je commençai à écrire des chansons, paroles et musique, en langue française et en langue kabyle, que je gardais précieusement dans mes tiroirs. Parallèlement, je me produisais dans des Thés dansants avec des orchestres dans toute la région parisienne, où j'interprétais des chansons françaises, espagnoles et italiennes. Un jour, un ami vint me dire que trois de ses copains voulaient créer un groupe kabyle, et qu'il leur manquait un chanteur pouvant jouer aussi d'un instrument. C'est comme cela que le groupe Syphax est né. Vous venez de lancer un nouvel album sur le marché qui a pour titre J'aimerais revoir mon pays. Parlez-nous de cette nouvelle production après une longue absence. Après plusieurs années d'absence, je décidais de ressortir de mes tiroirs toutes mes compositions en langue française et en langue kabyle, et de les adapter à des rythmes modernes comme la country, la funky, le reggae et le rock. Mon premier album solo est donc sorti au mois de février 2010. Je l'ai produit avec une tierce personne, et j'ai créé un label «Rock Kabylie Production». Parlez-nous de votre style de musique. Mon style de musique vient de l'intérêt que j'ai porté, dès mon adolescence, à la musique moderne occidentale. Ayant beaucoup bourlingué à travers toute la France, où j'interprétais des tubes de l'époque dans des Thés dansants, et où je pouvais écouter toutes les musiques du monde. L'année 1975 d'ailleurs, j'ai participé à un concours organisé par Radio France, émission l'intitulée Radio crochet, où j'ai gagné le deuxième prix. Dans vos compositions, vous évoquez souvent la nostalgie de l'Algérie et de la Kabylie. Que signifie pour vous la terre où on est né et où l'on a grandi? Rien ne peut remplacer le lieu où je suis né, où j'ai joué aux billes et où j'ai grandi. C'est une partie de ma vie associée à de nombreux souvenirs. J'ai aussi, bien sûr, une pensée pour mes parents qui sont enterrés ici. Pour moi, ces souvenirs ne s'effaceront jamais, ils resteront gravés, quel que soit le pays où je vivais. Par moment, ces souvenirs me reviennent comme des flashs. Votre album a-t-il trouvé un écho auprès du public? J'ai effectivement trouvé un accueil très encourageant auprès de mon auditoire. Il est clair que l'on ne peut composer ni chanter ce que l'on n'a pas en soi. Chacun compose et chante ce qu'il ressent. Par voie de conséquence, on ne peut pas plaire à tout le monde, ce serait trop beau; le monde de la musique est tellement varié! L'essentiel, c'est de faire quelque chose de propre, de respecter son auditoire, et il sera en mesure de juger! Que représente pour vous l'identité et la culture amazighes? L'identité représente pour moi mon existence, et la culture amazighe, ma liberté. Mais pas n'importe quelle liberté: la liberté de vivre, la liberté de s'exprimer, la liberté de voyager sans qu'il n'y ait d'obstacles, la liberté de parler avec qui on a envie sans que l'on vous catalogue comme appartenant à telle ou telle cause... Moi, je crois que l'homme a une chance inouïe de vivre sur cette terre; cela pourrait être tellement simple de vivre en paix, sans haine et sans préjugés, en harmonie donc. Hélas! l'homme en a décidé autrement, et c'est la source de tous nos conflits.