L'Expression: Excellence, avec les résultats des dernières élections, la fin de la Belgique est-elle envisagée? Christian Van Driessche: Il y a un parti qui a gagné les élections en Flandre et qui est en faveur d'un changement. Le chef de ce parti vainqueur a été nommé informateur. Il va lancer des pistes de travail et de consultation pour un futur gouvernement. Les négociations pour une redéfinition de la Belgique sont en train d'apporter leurs résultats. Nécessairement, il y aura certaines choses qui vont changer. On a des structures fédérales, on peut évoluer vers la confédération. Mais il y a toujours des compromis à la belge. Les discussions se passent bien et le chef du parti vainqueur se place comme premier objectif les problèmes économiques que connaît la Belgique dont, notamment la réduction du déficit budgétaire. Pour ce qui est de l'évolution institutionnelle, il y a deux possibilités qui se profilent. La première est une scission de la Belgique. Or, pour cela, il faut une révision constitutionnelle qui, pour ce faire, doit rassembler les deux tiers des deux chambres du Parlement. Une éventualité impossible à l'heure actuelle et même dans les dix années à venir puisque les tenants de cette idée, c'est-à-dire les séparatistes, ne représentent que 30% des 60% de la Flandre. La deuxième éventualité, c'est la sécession et qui signifierait la création d'une République de Flandre et dans ce cas on retombera dans le schéma du Kosovo. Un schéma irréalisable puisque la Flandre ne sera jamais reconnue par les pays de l'Union européenne. En plus du refus de l'UE, il y a aura la pression d'autres pays. Moi je pense qu'on va arriver à une solution dans le cadre du Parlement européen. C'est dans ce contexte «d'incertitude», que la Belgique vient de prendre la présidence semestrielle de l'Union européenne. Comment est-ce possible? Je vais vous répondre que les affaires politiques internes de la Belgique n'ont aucune incidence sur l'UE. Il y a une grande dynamique économique en Europe. La crise belge a éclaté en avril mais tout a été ficelé et préparé avant l'arrivée de cette crise. Donc, le gouvernement va s'occuper des affaires courantes et quand le nouveau gouvernement sera installé il prendra le train en marche. C'est pour vous dire que il n'y a pas d'influence sur le fonctionnement de l'UE. Dans le programme d'action de l'UE pour les six mois à venir, le premier point consiste à trouver des solutions à la crise qui secoue l'Europe. La Belgique, qui fait partie des six fondateurs de l'Union, est un petit pays et c'est un avantage puisqu'elle a toujours joué le rôle de médiateur, de courtier pour rapprocher les idées. L'UE ne semble pas s'intéresser à ce qui se passe en Belgique contrairement à sa réaction et son intervention en Grèce. L'Union européenne n'intervient pas dans les affaires internes des Etats. Elle offre un soutien sur le plan économique mais pas dans les affaires politiques. Et puis jusque-là, l'existence de la Belgique n'est pas remise en cause. La victoire d'un parti politique qui est démocratique n'a jamais donné le moindre signe de sortir de ce cadre démocratique. Il n'y a pas donc péril en la demeure. Entre les Wallons et les Flamands, c'est 180 années de vie en commun. Il y a toujours eu des conflits, des bagarres, mais jamais de guerre. Pour vous illustrer la situation, durant ces 180 années de conflits, il n'y a pas eu plus de 10 morts. Nous avons une culture qui fait qu'à chaque fois qu'il y a un conflit, les Belges se réunissent. Qu'en est-il des relations de votre pays avec l'Algérie? Moi je vais travailler pour un rapprochement entre nos deux pays, non seulement pour les raisons économiques mais aussi parce que nous sommes voisins ce qui est une chose extrêmement importante. Nous avons le devoir de cultiver ces relations. En plus de ces raisons de géopolitique, c'est aussi ma conviction personnelle car les relations algéro-belges, qui ne datent pas d'aujourd'hui, sont très bonnes. L'Algérie est le deuxième partenaire de la Belgique dans le continent africain. J'admets qu'en termes d'investissements c'est encore insuffisant, mais il faut se dire que la Belgique est un pays très libéral. De ce fait, les firmes qui investissent en Algérie le font sans passer par nos services à l'ambassade. A titre d'exemple, il y a une nouvelle compagnie aérienne, Jet Air-Fly, qui vient d'investir le marché algérien. Elle a commencé il y a quelques semaines ses dessertes entre Alger et Charleroi. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Ma vision dans ce domaine est qu'il y ait des partenariats gagnants-gagnants. Ce n'est un secret pour personne que la loi de finances complémentaire de 2009 (LFC) a fait grincer des dents. Pourquoi cela? Parce qu'il y a eu des dépassements de la part de nombreuses firmes internationales. Vouloir rafler tout sans contrepartie n'est pas la solution. Ce que je dis aux firmes belges qui nous sollicitent pour investir en Algérie, est qu'elles doivent respecter le partenaire algérien et les lois algériennes. J'insiste beaucoup sur cette morale des affaires. Il y a des problèmes de corruption en Algérie mais la corruption il y en a partout dans le monde. Et puis s'il y a d'un côté des corrompus c'est que nécessairement il y a des corrupteurs de l'autre côté. C'est pour vous dire qu'il y a des bourreaux et des victimes. Mais en tant qu'étranger comment trouvez-vous le climat d'investissement en Algérie? Il est vrai que l'environnement n'est pas des meilleurs mais sa perception est faussée par des préjugés. Il y a beaucoup d'investisseurs qui ont peur de venir s'installer en Algérie. Ils avancent l'argument que ce pays n'est pas sorti de ses turbulences. C'est une mentalité encore ancrée chez certains en Europe. Donc tout n'est pas la faute de l'Algérie. Cela d'une part, de l'autre, la LFC a secoué les choses. Cette loi est mal tombée puisque elle a coïncidé avec la crise financière mondiale. Donc, il y a d'une part, les conséquence de cette LFC et d'autre part, les entreprises ont le couteau sur la gorge puisqu'elles n'ont plus d'argent du fait de cette crise mondiale. J'ai sillonné le pays d'est en ouest et je suis très optimiste car même avec la fin du pétrole il y aura d'autres ressources énergétiques. Mais je crois que l'Algérie doit absolument diversifier son tissu industriel pour plus de compétitivité. J'étais en poste au Brésil il y a 20 ans, et je vous avoue que j'ai été frappé par leur capacité à tout fabriquer sur place. Vous y trouverez du Camembert brésilien, du chocolat brésilien, des ordinateurs brésiliens, des voitures brésiliennes, etc. Ce qui n'est pas le cas ici en Algérie où la quasi-totalité des produits sont importés. Pourtant, la qualité et la saveur de vos produits agroalimentaires est exceptionnelle. Mais je comprends aussi le fait que l'Algérie revient de très loin. Et il faut dire qu'il y a une dynamique qui se crée. En tout cas je ne partage pas l'idée que l'Algérie c'est seulement du gaz et du pétrole. Il y a d'autres choses qui se font. Et pour conclure? En ce qui me concerne, je vais travailler pour plus de rapprochement entre l'Algérie et la Belgique. L'année 2010 est très importante puisqu'il y aura de grands débats sur le climat qui est une affaire mondiale, sur la crise économique comme il y aura également la célébration des cinquantenaires de l'indépendance des pays africains. J'espère qu'on va tenir compte des erreurs de part et d'autre, de ces cinquante années. En ce qui concerne la Belgique, nous avons franchi une étape. Le Roi a été au Congo pour célébrer l'indépendance de cette ancienne colonie belge, ce qui est un signe positif. Je pense qu'il faut dépasser le syndrome colonial quelles que soient les séquelles.