Les résultats des élections législatives, marqués par le score élevé des indépendantistes flamands, ont conforté l'hypothèse de l'éclatement du royaume belge, dont les jours semblent désormais comptés à moins de compromis. C'est sur un véritable triomphe des indépendantistes en Flandre qu'ont débouché les élections législatives belges de dimanche. Ces résultats sont qualifiés de séisme politique pour le pays. En effet, les francophones pourraient se retrouver obligés d'accepter l'autonomie accrue, réclamée ardemment par les néerlandophones. Ainsi, le parti N-VA (Nouvelle alliance flamande) a récolté 29,1% des voix dans la région néerlandophone du nord du pays où vit la majorité (60%) des 10,5 millions de Belges, selon des résultats partiels publiés vers 20H00 GMT et portant sur 73% des suffrages. Ce score est sans précédent, parce que jamais un mouvement prônant l'indépendance de la Flandre n'avait remporté un scrutin législatif fédéral auparavant. Le meilleur résultat à ce jour avait été obtenu en 1971 par la Volksunie avec quelque 19%. En Flandre, la N-VA devance nettement le parti chrétien-démocrate (CD&V) de l'actuel Premier ministre Yves Leterme, qui ne recueille que 18,4% des suffrages, puis les socialistes et les libéraux. Avec de 28 à 30 députés, selon des projections réalisées en milieu de soirée par les médias belges, sur les 150 que compte la Chambre des représentants, la N-VA deviendrait le plus grand parti du royaume. “Ce sont des résultats extraordinaires”, a clamé le chef de file du mouvement, Bart De Wever, 39 ans, accueilli en héros par ses partisans. Il a appelé au “changement” en Belgique avec une réforme des institutions visant à donner une autonomie accrue à la Flandre dans le domaine économique et social, tout en cherchant à rassurer ceux que son programme inquiète, en Belgique et à l'étranger. M. De Wever a affirmé que l'indépendance de la Flandre n'était pas sa revendication immédiate, même s'il envisage que la Belgique puisse disparaître à terme au profit des régions qui la composent aujourd'hui et de l'Union européenne. En additionnant les voix de la N-VA, du parti d'extrême droite Vlaams Belang (12,4%) et d'un parti populiste — la Liste De Decker créditée de 3,8% —, les partis prônant d'une manière ou d'une autre l'indépendance de la Flandre représentent plus de 45% de l'électorat flamand. De quoi compliquer un peu plus la recherche dans un premier temps d'une nouvelle coalition gouvernementale belge entre partis flamands et francophones, puis surtout d'un compromis sur les revendications des néerlandophones. Les négociations en ce sens pourraient durer des mois, alors que la Belgique prend en juillet la présidence tournante de l'UE et doit affronter une crise économique. Le triomphe des nationalistes flamands crée “une situation qui sera problématique pour le pays”, a estimé le président du Parti libéral francophone, Didier Reynders. Du côté de l'électorat francophone, le Parti socialiste est arrivé largement en tête, avec 33,8% des voix en Wallonie et à Bruxelles, selon des résultats partiels sur 75,8% des suffrages exprimés. Il devance le Parti libéral, en net recul (26,4%), le Parti centriste et les écologistes. Paradoxalement, la victoire de la N-VA en Flandre pourrait aboutir à ce que pour la première fois depuis les années 1970 le Premier ministre belge soit un francophone, en l'occurrence le vainqueur chez les francophones : le chef du PS, Elio Di Rupo, qui a implicitement fait acte de candidature dimanche soir. Et ce, alors que la Flandre est très majoritairement à droite. Le leader de la N-VA a, en effet, confirmé dimanche ne pas vouloir diriger le gouvernement fédéral. Et les autres partis flamands, après s'être cassé les dents à plusieurs reprises, sont tentés cette fois de laisser un francophone aux commandes. D'autant que M. Di Rupo est plus ouvert à un compromis que d'autres francophones. Ce dernier a reconnu, dimanche, que les électeurs flamands avaient envoyé un “signal fort” en faveur d'une plus grande autonomie régionale. “Ce message doit être entendu”, a-t-il dit, en appelant les francophones à “avoir le courage de conclure un accord”. L'avenir de la Belgique est des plus incertains avec cette montée des indépendantistes.