La saison estivale, synonyme de congé, bat son plein avec son lot de désagréments, notamment ceux inhérents à l'usage des transports publics, essentiellement les bus. L'utilisation de ce moyen de transport en cette période de forte canicule, ressemble à un calvaire. En plus de subir les mauvaises odeurs qui témoignent d'une hygiène plus que défaillante et qui pourraient «ressusciter un mort», comme dirait un vieil adage populaire bien de chez nous, les usagers voyagent dans des conditions proches de celles utilisées pour transporter du bétail. Une épreuve quotidienne qui met les nerfs à fleur de peau. Dans les autobus, les voyageurs s'entassent ou sont plutôt entassés, peu importe la qualité du service offert. D'ailleurs, en existe-t-il un? Mis à part les traditionnels «avancez vers l'arrière» qui importunent les usagers et qui font le chiffre d'affaires des receveurs, les transports en commun privés représentent un baromètre idéal pour observer les comportements sociaux qui se tissent autour d'une relation entre des prestataires de service qui n'en portent que le nom, et des usagers soumis à leur diktat. Les billets justifiant le prix du trajet sont remis aux usagers selon les humeurs des receveurs. Mal peut vous en coûter au cas où vous le réclameriez. Cette entorse à la réglementation représente paraît-il, un «moyen» pour arrondir leurs fins de journée. Ces bus privés, qui, ont été acquis dans le cadre de l'emploi de jeunes pour lutter contre le chômage, sont devenus des accessoires très prisés. Le transport de voyageurs constitue un des projets les plus rentables et lucratifs qu'il soit, tant la demande à satisfaire est de plus en plus croissante. Ceux qui exploitent ce juteux créneau ont-ils été préparés pour remplir convenablement l'une des plus importantes missions de service public? Si l'on se fie aux tenues vestimentaires arborées par les receveurs de ces véhicules qui frisent l'indécence, particulièrement en été, la réponse ne peut qu'être négative. Au titre du laisser-aller de cette catégorie de travailleurs, c'est sans aucun doute l'hygiène qui remporte la palme. La monnaie ou les tickets de voyage sont remis aux voyageurs après que certains receveurs aient introduit leur doigt dans la bouche pour «régurgiter» leur boule de chique. La propreté de leurs mains est plus que douteuse. Se croyant tout permis, leurs lieux de travail sont devenus propices à la drague. Que penser de ces bus qui font la course uniquement dans le but d'accaparer les quelques voyageurs potentiels lorsqu'ils ne leur font pas la chasse. Les bus marquent des temps d'arrêt qui dépassent l'entendement à des endroits stratégiques. A Jolie-Vue (Kouba), par exemple, les receveurs descendent et vont jusque sous les immeubles pour battre le rappel de potentiels utilisateurs. Un microcosme certes, mais sans aucun doute très représentatif de la société algérienne et des rapports qui la régissent. Il cristallise à lui seul toutes les frustrations qui la caractérisent. Mal-vie, chômage, crise du logement, célibat... Ils sont des centaines de milliers de citoyennes et de citoyens à prendre le bus pour se rendre au travail en priorité mais aussi pour vaquer à des occupations d'ordre beaucoup plus personnel. De ces déplacements de groupes de population est née une activité qui se veut avant tout une mission de service public mais qui a fini par prendre au fur et à mesure de son ancrage dans le tissu urbain, une allure purement mercantile. Dans le prisme déformé de la mentalité et de la «philosophie» des propriétaires de ces petites entreprises de transport en commun, l'usager ne remplit plus qu'une fonction de marchandise. Ne sommes-nous pas après tout dans une société à caractère capitaliste où l'humain symbolise avant tout une valeur marchande? «Les receveurs nous perçoivent comme des pièces de 10 dinars», répètent jusqu'à presque s'en lasser des citoyens qui ont perdu toute illusion quant à l'amélioration de leur quotidien dans ce domaine en particulier. Les pouvoirs publics pourront-ils juguler ce phénomène? Ce créneau qui a vraisemblablement pris toute sa dimension commerciale, voire mercantile, a déshumanisé les rapports. Le terrain est propice pour cela en Algérie. La course au gain facile et à l'enrichissement rapide, vaille que vaille, est devenu une seconde culture pour ne pas dire le credo de tout candidat à la création de sa propre entreprise. Ce qui a eu pour fâcheux effets de pervertir les rapports sociaux ancestraux qui avaient pour socle: le respect de l'autre et celui de soi avant tout.