Eric Woerth est accusé d'avoir collecté illégalement des fonds pour financer la campagne de Sarkozy. Scandales politico-financiers, indignation face à une surenchère sécuritaire: après un été pourri, le climat de la rentrée reste délétère pour un gouvernement français en sursis, avant le remaniement annoncé par Nicolas Sarkozy, qui peine à donner un nouveau souffle à son mandat. A quelques jours du premier grand débat parlementaire sur l'impopulaire réforme des retraites, le ministre du Travail en charge de ce chantier phare a perdu toute crédibilité pour les syndicats, qui estiment qu'Eric Woerth est objectivement plus occupé à se défendre qu'à porter le projet de réforme. Ce pilier du système Sarkozy est fragilisé par une suspicion de conflit d'intérêts dans l'affaire Liliane Bettencourt, l'héritière du groupe cosmétique L'Oréal suspectée de fraude fiscale et ancienne employeur de l'épouse du ministre. Pas un jour sans nouvelle révélation dans ce feuilleton politico-judiciaire: à l'origine un conflit familial entre la milliardaire et sa fille, l'affaire Bettencourt est vite devenue une affaire d'Etat, mêlant trafic d'influence et financement politique, éclaboussant jusqu'au président. Après l'avoir longtemps nié, Eric Woerth a été contraint jeudi dernier de reconnaître être intervenu auprès de Nicolas Sarkozy pour recommander l'attribution de la Légion d'honneur au conseiller financier de la milliardaire. Ce dernier se serait ainsi vu récompensé pour services rendus au parti présidentiel UMP, dont il était un généreux donateur. En outre, Eric Woerth, ex-trésorier de l'UMP, est accusé par une ancienne comptable de Liliane Bettencourt d'avoir collecté illégalement des fonds auprès de la vieille dame pour financer la campagne de Nicolas Sarkozy en vue de la présidentielle de 2007. L'opposition de gauche, qui dénonçait déjà un système Sarkozy corrompu et une crise morale, réclame désormais ouvertement la démission d'un ministre considéré comme carbonisé, même si l'exécutif continue de le soutenir. Après plusieurs semaines de désastreuses révélations dans cette affaire et des sondages en berne dans un contexte économique morose, le chef de l'Etat avait tenté de reprendre la maîtrise de l'agenda politique en annonçant un remaniement ministériel pour l'automne et un tour de vis sécuritaire. Mais en décidant fin juillet le démantèlement de camps illégaux de Roms et en envisageant de déchoir de la nationalité française certains criminels d'origine étrangère, Nicolas Sarkozy a suscité l'indignation en France et la réprobation, de l'ONU jusqu'au Vatican. Et au sein d'un gouvernement en apesanteur avant le couperet du remaniement, les stratégies personnelles prennent le pas sur le devoir de réserve. Critiqué par d'anciens Premiers ministres de droite pour le lien établi entre insécurité et immigration, le virage sécuritaire de Sarkozy suscite des tiraillements au sein même du gouvernement. Les fidèles ont joué la surenchère, plaidant pour plus d'expulsions, tandis que d'autres, issus de la gauche ou du centre-droit, se sont démarqués. Le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner a reconnu avoir songé à la démission, avant de réaffirmer son soutien à la politique gouvernementale. Une erreur selon un sondage, qui montre qu'une majorité de sondés juge que le ministre préféré des Français aurait dû partir. Enfin, devenu une carte maîtresse du jeu, le Premier ministre François Fillon, conservateur modéré, prend subtilement ses distances, adoptant une posture présidentielle tandis que le président va au charbon, selon un analyste politique. Ce brouillage des rôles n'améliore pas l'image de Nicolas Sarkozy, qui serait selon un récent sondage sèchement battu par la gauche si la présidentielle prévue en 2012 avait lieu aujourd'hui.