Sur fond d'une immense détresse sociale, de nouveaux élus vont gérer des APC et des APW dépourvues de moyens et de pouvoir. Quelle est la différence en termes de contexte politique et social entre les élections locales de 1997 et celles qui vont se tenir jeudi? Les plus sceptiques répondront aucune différence mis à part l'augmentation de la détresse des populations qui, selon eux, s'est accentuée durant ces cinq dernières années. D'autres diront que jamais dans l'histoire du pays la gestion des communes n'a été aussi catastrophique et donc aussi décriée, que durant ce mandat. Pourtant, de l'avis des observateurs (lucides et un tant soit peu objectifs) de la scène politique algérienne, le contexte dans lequel va se dérouler la consultation de cette fin de semaine n'a rien à voir avec l'atmosphère qui avait alors prévalu lors du scrutin du 23 octobre 1997. A l'époque, l'attention des citoyens était focalisée exclusivement sur l'insécurité ambiante générée alors par les innombrables actes terroristes qui marquaient leur vie de tous les jours. Celle des pouvoirs publics, était tournée vers la priorité primordiale de redonner la légitimité populaire donc par la voie des urnes à des institutions locales gérées depuis 1993 par les fameuses Délégations exécutives communales (DEC). Au-delà, les discussions politiques tant chez les citoyens ordinaires que chez les représentants de ce qui s'appelle la classe politique algérienne tournaient autour du score fleuve que pouvait, une nouvelle fois, réaliser le RND, ce parti qui n'avait pas encore une année d'existence mais qui avait cependant remporté la majorité des sièges des élections législatives organisées quelques mois plus tôt le 5 juin 1997. Le sujet de la fraude électorale massive dont fut accusée cette formation alors revenait sans cesse dans les débats des partis et les palabres des citoyens. Le bilan de la gestion communale par les DEC ne revenait que rarement dans les débats et les préoccupations des citoyens étaient avant tout d'ordre sécuritaires et frisaient l'indifférence, voire l'apathie pour tout ce qui relevait de la gestion et de la conduite des affaires locales. Cinq années plus tard, en cet automne 2002, sur le plan politique, ce même RND semble être en chute libre et le FLN entretient son retour en force. Mais, au vu de cette campagne électorale des partis pour le vote du 10 octobre, l'ambiance sociale est tout autre et les enjeux sont d'un autre ordre. Si la donne sécuritaire est confinée à des proportions gérables donc moins alarmantes pour les citoyens et pour les pouvoirs publics, l'atmosphère électorale connaît toujours des pics de crise particulièrement sur cette épineuse et énigmatique question des ârchs sur laquelle curieusement tous les regards sont orientés depuis près de dix-huit mois, du moins dans certains cercles médiatiques et chez certaines formations politiques, sans que rien puisse venir éclaircir les tenants et les aboutissants de ce dossier et encore moins sur les objectifs que poursuivent les animateurs de ce mouvement. Mais cette fixation sur les ârchs et la Kabylie n'a pas occulté pour autant les autres sujets inhérents à toute élection locale: les problèmes concrets de la vie quotidienne des citoyens dans les 1541 communes que compte le territoire national. Pour une fois, la mauvaise gestion du patrimoine public, les détournements des deniers de l'Etat à des fins personnelles d'enrichissement, la corruption, les passe- droits, les prérogatives, les attributions et autres pouvoirs de l'élu et de son institution, l'APC ou l'APW, ont été au centre des doléances des citoyens s'ils n'ont pas été les thèmes de campagne et de propagande électoralistes des partis engagés dans la course aux mandats locaux. Il est vrai que les immenses problèmes (logement, chômage, eau, santé, justice, hogra...) vécus par les laissés-pour-compte de la «nouvelle Algérie» qui a émergé depuis cinq ans, mais qui ont pour origine des gestions antérieures, n'ont pas trouvé de solution aux yeux de la majorité des citoyens. Et, c'est pour cela que ces derniers doutent, restent pessimistes, et hormis le microcosme intéressé par les dividendes politiques ou purement matériels du scrutin, ils restent dubitatifs et ironiques lorsqu'on leur parle d'élections. D'alarmant il y a cinq années, le contexte politique et social est devenu, à la veille de ce scrutin, vicié, sinon artificiellement volcanique.