La situation s'est nettement détériorée dans ce pays où les rebelles progressent. Les combats entre les troupes loyalistes et les rebelles se sont poursuivis, par intermittence, hier au nord du pays, alors qu'une nouvelle tentative du ministre sénégalais des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio, de renouer le dialogue entre les deux parties n'a pas eu les résultats escomptés. Les rebelles, qui occupent désormais en grande partie le nord de la Côte d'Ivoire, ont pris hier Daloa - importante ville de l'ouest du pays et l'une des capitales du cacao - pratiquement sans combat, après un échange de tirs avec les soldats loyalistes dans la journée de samedi. Pour le gouvernement ivoirien, et singulièrement le président Laurent Gbagbo, les choses commencent réellement à tourner au vinaigre. Il ne fait pas de doute que les atermoiements du président ivoirien n'ont pas été étrangers à la détérioration de la situation d'ensemble, et n'ont guère contribué à calmer les esprits. Plus, son faux bond, après la mise au point d'un accord de cessez-le-feu, sous l'égide de la Cedeao (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) a mis mal à l'aise ses pairs africains. D'aucuns n'étaient pas loin de penser que le président Gbagbo s'est servi de la Cedeao. Ce que le vice-ministre nigérian des Affaires étrangères, Dubem Onyia, n'a pas pris beaucoup de précaution pour le dire. Selon le diplomate nigérian, le président ivoirien aurait ainsi « exploité cyniquement la mission de paix africaine pour préparer un assaut contre la ville de Bouaké» tenue par les rebelles. «Parce que nous étions capables de les identifier (les rebelles) et d'avoir des contacts avec eux, le gouvernement (ivoirien) s'est servi de ça pour planifier une attaque contre eux. Tout le temps le gouvernement (ivoirien) s'est joué de nous» accuse le diplomate nigérian. Celui-ci affirmant aussitôt que le gouvernement ivoirien n'a pas «d'autre choix que de soutenir le plan de paix». En attendant de revenir au plan de paix mis au point par la Cedeao, et que le ministre des Affaires étrangères tente de relancer. Sur le terrain, les rebelles semblent progresser en réussissant à s'emparer facilement d'une troisième grande ville Daloa (Ouest) après Bouaké, (Centre), et Korhogo (Nord). Quoique ayant le vent en poupe, la plupart des villes ayant été conquises sans effusion de sang et sans combat contre la population, les rebelles se disent néanmoins prêts à engager des négociations avec le pouvoir. Comme le réaffirmait, hier, un des porte-parole de la rébellion, le sergent Tuho Fozié, qui a réitéré après avoir rencontré le diplomate sénégalais: «Nous avons toujours dit que nous sommes prêts à trouver des solutions nettes et justes.» Le chef de la diplomatie sénégalaise a pour sa part indiqué: «Si notre mission réussit, elle permettra à la Cedeao de pouvoir continuer sa médiation pour résoudre la crise en Côte d'Ivoire» qualifiant la crise ivoirienne de «problème très grave qui empêche toute l'Afrique de l'Ouest de dormir». De fait, la gestion de la situation par le président Gbagbo semble, a contrario, avoir aggravé une crise que la Cedeao s'est efforcée de lui trouver une issue dès son déclenchement le 19 septembre dernier après la tentative de coup d'Etat, et la chute, le lendemain, de Bouaké, deuxième ville du pays. Des voix à l'intérieur même de la coalition gouvernementale viennent de s'élever pour appeler à l'ouverture du dialogue. C'est ainsi que l'ancien président ivoirien, Henri Konan Bédié, vient à son tour de demander au gouvernement d'«approfondir la voie de la négociation» face à une crise qui «semble s'enliser et se doubler d'affrontements». Face donc à une crise qui s'enlise dangereusement, il semble qu'aujourd'hui, le président Laurent Gbagbo n'ait pas d'autre choix que de négocier, et partant, le seul à détenir les éléments de sortie de la crise qui secoue la Côte d'Ivoire, comme semblent le penser ses pairs africains et, de plus en plus, des personnalités politiques ivoiriennes.