La Cour de cassation, plus haute juridiction pénale française, a rendu mardi une décision inédite, en annonçant que la justice pouvait enquêter sur le patrimoine en France de trois présidents africains et de leurs proches, dans l'affaire dite des «biens mal acquis». Cette décision concerne trois chefs d'Etat africains - Denis Sassou Nguesso du Congo, Teodoro Obiang Nguema de Guinée équatoriale et le défunt chef d'Etat gabonais Omar Bongo - et certains de leurs proches. La Cour de cassation a jugé recevable la constitution de partie civile de l'association Transparence International France, alors que jusqu'à présent la justice française estimait que les associations de lutte contre la corruption ne pouvaient se prévaloir d'un quelconque préjudice dans ce type d'affaire. Aucun recours ne peut être formé contre la décision de la Cour de cassation sur ce dossier diplomatiquement très sensible. L'enquête peut donc commencer. Transparence International (TI) France a salué dans un communiqué cette décision. «La décision de la Cour de cassation va ainsi permettre la désignation d'un juge d'instruction et l'ouverture d'une information judiciaire. Il appartiendra à ce dernier de déterminer dans quelles conditions le patrimoine visé a été acquis et celles dans lesquelles les très nombreux comptes bancaires identifiés par les services de police ont été alimentés», a souligné l'ONG. «Cette décision constitue une avancée juridique considérable qui va au-delà de l'affaire des «biens mal acquis». Pour la première fois en France, l'action en justice d'une association de lutte contre la corruption au nom des intérêts qu'elle s'est donné pour objet de défendre est jugée recevable», a-t-elle poursuivi. «Cette décision (...) devrait ainsi permettre à l'avenir de surmonter l'inertie du parquet dans certaines affaires politico-financières sensibles», a-t-elle ajouté. En mars 2007, Transparence International France avait déposé une plainte visant les conditions d'acquisition d'un important patrimoine immobilier et mobilier en France par ces présidents qui, selon l'ONG, avoisinerait 160 millions d'euros. Le clan Bongo possèderait à lui seul une trentaine de luxueux appartements ou maisons, ainsi que de nombreuses voitures de luxe. A l'issue d'une enquête préliminaire approfondie menée en 2007, le parquet français avait classé sans suite cette affaire. L'année suivante, TI a déposé une nouvelle plainte avec constitution de partie civile, une procédure qui permet de saisir directement un juge d'instruction et de contourner le parquet qui, en France, est hiérarchiquement soumis au pouvoir politique.