Nuit d'automne à Paris est une pièce de théâtre qui évoque la cruauté «des événements». L'histoire regorge de faits occultés. 40 ans après le silence de la contrainte sur «les événements» du 17 octobre, les «sales pages» de l'histoire algéro-française surgissent enfin de l'ombre et le voile est levé sur les injustices commises à l'époque de la Guerre d'Algérie. La vérité se déverse avec rage tel un soulèvement de vagues et décide de tout déballer ou presque. «La torture systématique instaurée en technique de guerre enfin reconnue par certains généraux. La responsabilité des politiques donneurs d'ordre. Le malheur des harkis victimes du mépris de la France pour ceux qui purent traverser la Méditerranée, victimes de la vengeance génocidaire du FLN pour ceux oubliés en Algérie. Le désarroi des Français d'Algérie... Tout ceci et bien d'autres choses encore qui font débat dans les médias d'aujourd'hui et qui ne firent pas une ligne dans une bonne partie de la presse de l'époque», écrit Gilles Granouillet, auteur de la pièce Nuit d'automne à Paris. «Certes les artistes français n'ont pas attendu ce 40e anniversaire pour s'emparer du sujet, mais à y regarder de plus près, les réalisations sur un sujet aussi riche ne sont pas si nombreuses. Y aurait-il eu quelque part une forme d'autocensure?», se demande-t-il. Aujourd'hui cette question brûlante du massacre du 17 Octobre 1961 de plus de 200 Algériens perpétré par des policiers en France est toujours d'actualité et «contient dans sa mise en place préméditée tous les ferments de cette sale guerre». Plus que jamais cette histoire reste vivante lorsqu'on voit un «Maurice Papon qui a su organiser la déportation de juifs et noyade d'Arabes avec le même zèle de bon serviteur de la nation», libre et presque exempt de ses crimes. Revenir aujourd'hui à parler de cette date fatidique est au bout du compte pas si facile. Gilles Granouillet l'a fait. Lui, un Français. «Cette pièce met en scène la communauté des travailleurs français musulmans - pour employer la terminologie de l'époque - qui ne sont ni plus ni moins que les parents ou les grands-parents de nos «beurs» d'aujourd'hui. Dans une république qui tend à ajouter «citoyenneté» à la trilogie de sa devise, il y a sur le sujet des choses à dire. La connaissance de son histoire étant une composante importante de la citoyenneté, il y a des cadavres à sortir des placards comme d'autres, 40 ans plus tôt furent repêchés de la Seine», confie Gilles Granouillet. Et pourtant dit-il: «Lorsque Guy Rétoré me passa commande d'une pièce pour le théâtre de l'Est parisien, j'étais bien loin de penser écrire Nuit d'automne à Paris.» En fait, l'idée a germé en lisant un article qui faisait allusion au massacre de ces Algériens. «Je ne savais pas, jamais entendu parler, et lorsque, moi, j'en parlais, on me répondait oui! Bien sûr! Charonne! «Manifestement, la dizaine de morts du métro Charonne avait pesé beaucoup plus lourd dans la mémoire collective française que les 200 morts algériens du 17 Octobre». L'histoire racontée de biais mais de façon forte et émouvante se passe dans une salle de boxe, notamment, «la boxe sport roi de l'époque» cet univers où se réunissent blancs et noirs à la fois, un tremplin pour le petit, pour l'immigré. «Le lien fut facile». La police française ayant vent des manifestations du FLN concentrera les manifestants, les locaux de la préfecture de police n'étant pas suffisants, dans les salles de sport, de musique. «Alors la trame de la pièce se tisse doucement, quatre personnages dans la tourmente, quatre histoires faites de chair et de sang, d'amour et de nostalgie.» Et pour camper les rôles de ces 4 personnages, on fera appel à deux Français, Christine Bertier et Guy Paillot et deux comédiens algériens sortant de l'Inad de Bordj El-Kiffan, Lynda Sellam et Samir Benkela. Mise en scène par Alain Besset sur une scénographie d'Hervé Fourgeron, cette pièce, Nuit d'automne à Paris a été présentée en avant-première le 3 octobre dernier au Théâtre Choc à Saint-Etienne. C'est une coproduction Leverso travelling théâtre en collaboration avec théâtre Choc. L'amour, on le sait, saura triompher de tout et faire revenir la paix entre les êtres et dans les coeurs. On aimerait le croire en tout cas. Un sujet réunificateur. C'est pour cela que cette pièce est importante, pour sauvegarder notre mémoire et faire régner enfin la tolérance. Et comme dirait Marc Lavoine: «Il ne faut jamais oublier les trois mots qui se terminent par Té...». (Liberté, égalité, fraternité).