Pendant que les citoyens expriment leur ras-le-bol, les officiels se murent dans un silence assourdissant. Les mouvements de protestation se sont généralisés ces derniers jours à travers les quatre coins du pays. Alger, Oran, Annaba, Tizi Ouzou, Béjaïa, Bouira, Tipasa, Blida, Bordj Bou Arréridj..., les citoyens de toutes ces wilayas se sont révoltés pour crier leur ras-le-bol contre les dernières augmentations des prix des produits de première nécessité comme le sucre, l'huile. Paradoxalement, tous ces mouvements, ces émeutes et les actes de vandalisme à grande échelle qui les ont accompagnés n'ont pas réussi à faire bouger les officiels, la classe politique, la société civile et les intellectuels. A l'exception du PT et du RCD qui ont réagi dans des communiqués, aucun appel au calme ni déclaration rassurante pour le peuple. Un silence plat et un black-out total entourent ces manifestations. A croire que tout le monde laisse faire et se contente d'observer. A part quelques réactions des islamistes, rien, absolument rien, n'est venu de la part des officiels et des partis politiques expliquer à l'opinion les dessous de ce qui se passe. Car, à bien des égards, les causes réelles de la révolte populaire sont loin d'être uniquement les augmentations de prix. Ces hausses ne sont que la goutte qui a fait déborder le vase. Qui veut donc livrer le peuple à l'émeute? Dans les pays qui se respectent, la moindre secousse sociale est suivie par des réactions immédiates de tous les concernés (société civile, politiques et gouvernement). Chez nous, c'est tout autre chose. En tout état de cause, ni le Premier ministre, ni le ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales, ni les partis politiques, notamment ceux de l'Alliance présidentielle, ni le président de la République lui-même, n'ont réagi à ce bouillonnement qui risque de perturber le peu qui reste de la paix sociale. Même les intellectuels, ceux qui sont censés éclairer le peuple préfèrent se limiter au rôle d'observateurs. «C'est le désert total», estiment les observateurs qui déplorent le silence des officiels et l'absence de communication dans ce sillage. Aucun bilan des blessés lors des violents affrontements qui ont opposé les citoyens aux forces de l'ordre, ni des dégâts enregistrés n'est établi par aucune autorité, locale soit-elle, à part ceux établis par les représentants de la presse. «Oui, je trouve ça bizarre. J'ai fait exprès de suivre le Journal télévisé de 20 heures de l'Entv et de lire toute la presse pour dénicher une réaction d'un officiel, mais je n'ai rien trouvé de tel», nous dit un militant politique. Tout le monde se contente d'observer. Le manque de lisibilité peut servir d'alibi aux partis politiques de l'opposition qui proposent depuis longtemps des solutions qui auraient pu, si elles étaient adoptées, éviter au pays tous ces troubles. Mais pour le pouvoir et les partis de l'Alliance, ils ne sauraient prétendre à aucune grâce. D'ailleurs, les slogans scandés par les émeutiers sont hostiles à ces partis et au pouvoir. Les institutions, les postes de police, les agences de Sonelgaz, les directions de l'Opgi, les tribunaux, etc. sont les cibles des manifestants en furie. Tout ce qui représente l'Etat est décrié par les citoyens qui considèrent que les dernières augmentations des prix de produits de large consommation sont une insulte à leur égard. Même les médias lourds ont fait l'impasse en tentant de les minimiser, sur les évènements qui ont secoué, secouent encore et risquent de s'exacerber, à travers toutes les régions du pays.