Le Président de la République a émis des réserves sur la «total war». Le discours du Président de la République, hier, au Palais des nations, a été à ce point haut en couleur, pour soulever bien des interrogations. Tout d'abord, et dès les premiers mots prononcés, en langue française, il demande d'observer une minute de silence à la mémoire des personnes assassinées lors d'actes terroristes. Ensuite, il enchaîne dans un arabe châtié ses points de vue sur ce que peut être une véritable lutte antiterroriste. La «total war», made in USA, induite par les événements du 11 septembre 2001, n'est pas efficiente, ni applicable par des pays comme l'Algérie. Le Président propose de revoir les causes politiques, économiques et sociales qui ont généré la violence au nom de l'islam. Sans une approche globale, le combat antiterroriste risque de n'être qu'une bataille inutile. Péremptoire, tapant du doigt sur le pupitre, Bouteflika annonce à l'endroit des participants à ce colloque, en majorité acquis aux thèses du tout-répressif: «Peut-être que beaucoup de ceux qui sont dans cette salle ne m'approuveront pas, mais pour ce qui me concerne, je persiste à croire avec une conviction inébranlable que ce sont la faim, la criminalité et l'exclusion sociale qui alimentent et nourrissent le terrorisme.» Allant encore plus loin, il ajoute: «Le développement durable, la dignité humaine, le respect des droits des plus faibles sont autant de conditions à respecter pour arriver à une paix dans le monde.» Et de proposer encore une conférence mondiale pour définir le concept de «terrorisme». La même rhétorique du sommet de Johannesburg ressurgit: «Il n'y a pas, et il n'y a aura pas une stratégie assez efficace pour prémunir le monde contre la violence, si le fort persiste à humilier le faible au nom de la force, et de la seule force.» Ses larges mouvements de mains brassent toute la salle et son regard s'attarde sur un auditoire qu'il veut faire adhérer à ses vues sur le terrorisme et la lutte qu'il convient d'adopter pour y venir à bout. L'homme, qui avait initié, seul, la concorde civile, réitère ses engagements, suivant toujours cette même et unique logique: «Je sais que j'ai un avis sur la question qui peut ne pas plaire à d'autres, qui ont un tout autre avis, mais comme je consens à vous écouter, consentez-vous aussi à écouter un avis autre qui celui que vous adoptez. En ce qui me concerne, je le répète: nous arriverons à la sécurité intérieure, et nous construirons un Etat de droit dans lequel les institutions, toutes les institutions, et quel que soit leur poids, doivent respecter les lois et souscrire à la nature républicaine et démocratique de l'Algérie.» Le Président de la République fait un large survol synoptique où il stigmatise les disparités, la précarité de certains face à l'hégémonie d'autres et affirme que ce ne sont pas là les meilleurs moyens pour arriver à une paix globale. Un vibrant hommage est rendu aux forces de l'ordre, tous corps confondus, lesquelles ont défendu et continuent à défendre l'Etat et le peuple contre toutes les dérives extrémistes. Voilà, en clair, les grandes lignes jetées d'un seul bloc sur la salle et qui ont eu l'effet d'équilibrer les débats qui allaient s'enchaîner et qui prenaient une tournure carrément répressive et belliqueuse. Usant de son discours volontiers équilibriste, il continue à faire adhérer les plus circonspects vis-à-vis de sa logique de réconciliation, qui n'est pas toujours objet d'un consensus total.