Les deux Chambres se réuniront au Palais des nations avant la fin de la session en cours pour adopter une résolution dénonçant la loi française qui justifiait le fait colonial. Le bureau de l'APN s'est réuni, hier, dans des conditions d'urgence pour débattre d'un ordre du jour en deux points. Si la première question est d'ordre purement réglementaire, puisqu'elle a trait au report de vingt-quatre heures de la séance de vote sur le projet de loi sur l'eau pour manque de quorum, la seconde revêt une importance cruciale pour le devenir des relations diplomatiques entre la France et notre pays. Le président de l'APN et ses neuf vice-présidents ont discuté pendant plusieurs heures sur la forme à donner à la réponse officielle de l'Algérie à l'adoption, par l'Assemblée nationale française le 25 février dernier, d'une loi portant “reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés”. Ce texte, proposé en 2004, reconnaît explicitement “l'œuvre positive de la colonisation française” en Afrique du nord et attribue, aux rapatriés et aux harkis, un statut de mérite et une allocation de reconnaissance. Jusqu'alors, le secrétaire général du FLN et représentant personnel du président de la République au sein du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, s'est lancé seul dans l'arène de la condamnation d'une loi qui glorifie les actes de colonisation en total déni des crimes de guerre commis contre les algériens durant les 132 années de présence forcée des français sur le sol national. Les institutions algériennes, qui n'ont pas réagi officiellement à ce qui est considéré comme une grave dérive des locataires du palais Bourbon, semblent toutefois se ressaisir. Le bureau de l'APN a adopté, hier, le principe de voter une motion dénonçant les dispositions contenues dans la loi française susmentionnée (la veille, le président du groupe parlementaire du MSP a fait une proposition de cet ordre au milieu des débats en plénière sur le projet de loi sur la corruption). De leur côté, les présidents des quatre groupes parlementaires au Conseil de la nation (RND, FLN, MSP et tiers présidentiel) et les membres du bureau de l'institution se sont réunis, dans la matinée de la même journée, pour convenir d'une contre-offensive de nature similaire. Les responsables des deux chambres du Parlement algérien mènent, en parallèle, des consultations serrées en vue de trouver la meilleure formule, à même de donner de la force à la riposte algérienne. La réunion, en session extraordinaire, des membres de l'Assemblée nationale et de leurs collègues du Conseil de la nation, se présente a priori comme le cadre légal idoine. Depuis l'avènement du pluralisme politique, le Parlement a siégé deux fois en session extraordinaire : en avril 2002 pour introduire l'officialisation de tamazight dans la Constitution et en mars 2003 à l'occasion d'un discours du président français Jacques Chirac, en visite officielle en Algérie. Il revient, dans ce contexte, exclusivement au président de la République de convoquer une session du Parlement avec ses deux chambres. L'article 119 de la loi fondamentale stipule que “le Parlement peut être réuni en session extraordinaire sur initiative du président de la République. Il peut également être réuni par le président de la République à la demande du chef du gouvernement ou à la demande des deux tiers des membres composant l'Assemblée populaire nationale”. Selon des sources parlementaires, l'initiative du président de l'APN, Amar Saïdani, et de son homologue au Sénat, Abdelkader Bensalah, est grandement inspirée par la présidence de la République. Il semblerait, néanmoins, que le chef de l'Etat ne souhaite pas — du moins jusqu'à l'heure — une réaction au plus au niveau de l'Etat. Il siérait mieux, selon nos interlocuteurs, que la réplique émane du vis-à-vis direct, c'est-à-dire de Parlement à Parlement. Il serait donc fort probable que l'APN et le Conseil de la nation programment des plénières simultanées pour adopter une motion commune. Sauf si le président Bouteflika décide finalement de bousculer les convenances et convoque une session extraordinaire des deux chambres parlementaires, sur la demande expressive des 2/3 des membres de l'APN. Souhila H.