Au lieu de se pencher sérieusement sur cette crise, les deux partis majoritaires à l'APN bottent en touche. L'Etat est-il réduit à gérer les crises au lieu de les prévenir? Les émeutes qui ont secoué le pays ces derniers jours ont mis à nu les incohérences du pays. «On ne peut nier, à l'évidence, qu'on avait connaissance depuis peu de temps que le renchérissement des prix, souvent inexpliqué et artificiel, avait produit un impact négatif», a déclaré, hier, Daho Ould Kablia, dans une interview accordée à l'agence APS. Une hausse «inexpliquée et artificielle». Le mot est lâché et sonne comme un aveu. On n'arrive pas à cerner les causes de l'instabilité des prix. La loi du marché est-elle au-dessus des lois de la République? Une chose est sûre: l'Etat subit le diktat des spéculateurs et la loi des importateurs. Il a fallu qu'une trentaine de wilayas s'embrasent pour que se tienne un conseil interministériel extraordinaire. Il s'est tenu, vendredi, sur fond de premières victimes (dont le nombre serait passé de 3 à 5 hier, un policier tué dans la wilaya de Boumerdès et un citoyen dans l'Ouest, selon diverses sources), avec près de 800 blessés et un millier de personnes arrêtées, selon le bilan donné par le ministre de l'Intérieur. Les spécialistes estiment que les dernières résolutions urgentes du conseil interministériel font l'affaire des importateurs et des spéculateurs. Surtout celle liée à la levée des droits de douane «instaurée du 1er janvier 2011 au 31 août 2011, à l'importation du sucre roux et des matières de base entrant dans la fabrication des huiles alimentaires», tel que mentionné dans le communiqué qui a sanctionné le conseil. Ces spécialistes en économie estiment que l'effet de cette suspension sera très limité sur les prix du sucre et le l'huile. Le brasier social allumé, et certains responsables n'y ont vu que du feu. Terrible aveu du ministre de l'Intérieur. Il a reconnu que la hausse récente des prix de produits alimentaires de large consommation a «suscité une inquiétude au sein de toutes les couches de la société, pas seulement celles défavorisées». Le ministre est allé plus loin. Il a attribué cette hausse des prix à une tentative de réduire à néant l'effet de certaines mesures prises par le gouvernement. «Cette hausse brusque et brutale des produits a coïncidé avec l'augmentation récente des salaires avec un effet rétroactif depuis 2008, décidée par les pouvoirs publics», a-t-il souligné. La crise se profilait déjà depuis quelques semaines. Plusieurs quartiers d'Alger ont connu des manifestations suite aux dernières opérations de relogement conduites par la wilaya. Les prémices d'une révolte sociale étaient perceptibles. Au lieu de se pencher sérieusement sur cette crise, les deux partis majoritaires à l'APN, le FLN et le RND, se tirent dans les pattes. Le porte-parole du RND, Miloud Chorfi, a dénoncé, samedi, «les provocations de certains lobbies de la spéculation qui sont derrière cette situation et ne ratent jamais une occasion pour pécher dans les eaux troubles». Il a accusé ces «lobbies» de manipuler les jeunes «en jouant du pouvoir d'achat». Il a enfoncé le clou en affirmant que «ces lobbies» oeuvrent pour préserver leurs intérêts «ayant pâti des nouvelles mesures gouvernementales visant à organiser le marché et à préserver et protéger l'économie nationale». Miloud Chorfi a qualifié ces agissements d'immoraux. La réplique du FLN ne s'est pas fait attendre. Il a appelé le gouvernement «à combattre le monopole et à revoir certaines mesures qui rendent difficiles le quotidien des citoyens». L'Alliance présidentielle bat de l'aile. «L'Etat n'a pas interdit le marché informel. Il procède à son éradication graduellement», a ainsi indiqué samedi soir à la télévision M.Ould Kablia. Mustapha Benbada, ministre du Commerce, a fait mieux. Il a sollicité la mise en veilleuse de la loi interdisant de traiter avec les commerçants de gros ne disposant pas de «vrais» registres du commerce. Pour ramener le calme, le gouvernement fait marche arrière et tend la main aux tenants du commerce informel. Ce faisant, il occulte la dimension politique de la crise actuelle. Une crise qui, selon Ould Kablia, est le fruit de la «rumeur»...