Le successeur de feu Mahfoud Nahnah rêve du poste de Premier ministre et donne la nette impression de vouloir lancer prématurément la campagne des législatives. Pour ceux qui auraient la mémoire courte, il serait utile de la leur rafraîchir et de rappeler l'interview fleuve accordée le 29 août 2009 par Bouguerra Soltani au quotidien arabophone Asharq el-Awsat. Que disait-il ce jour-là? Le leader du Mouvement de la société pour la paix avait affirmé que sa formation s'est fixé comme objectif la conquête du pouvoir en 2012, à travers les élections législatives. Nous sommes à une année de ce rendez-vous. «Vous savez, cette année-là (2012 Ndlr) coïncidera avec le 50e anniversaire de l'Indépendance du pays. Nous avons toujours prédit qu'il nous faut au moins un demi-siècle afin que le flambeau de la génération qui a libéré le pays transmette le pouvoir à la génération de l'Indépendance. Nous avons coché cette date parce qu'elle coïncide avec le 50e anniversaire de l'indépendance du pays. Et nous représentons justement cette génération et ses préoccupations futures.» Le président du MSP lit-il dans le marc de café ou a-t-il réellement une stratégie de conquête du pouvoir? Ce qui peut être relevé et constaté: c'est qu'il déploie une énergie débordante, voire inhabituelle, et montre même une certaine impatience à vouloir en découdre, quitte à fâcher ses alliés naturels (ou contre nature c'est selon) de la coalition présidentielle. Si, en effet, la troïka formée par le FLN, le RND et le MSP est de tout temps partie en rangs dispersés lors des échéances électorales locales ou nationales (particulièrement celle concernant les législatives), il n'empêche que ces trois formations politiques ont constitué l'ossature du gouvernement, depuis l'élection de Abdelaziz Bouteflika à la présidence de la République en 1999, et représentent une majorité confortable au sein du palais Zighoud-Youcef. Si Bouguerra Soltani se sent à l'étroit dans son costume de ministre d'Etat sans portefeuille, il se sent encore plus mal à l'aise, aujourd'hui, dans ce rôle de troisième larron dans lequel est confiné son mouvement au sein de l'Alliance présidentielle. Alors, il se décide à secouer le cocotier quitte à donner un coup de canif à ses alliés de toujours et prend le risque de renvoyer l'image de quelqu'un qui donne l'impression de retourner sa veste. En 2009, le président du MSP était formel. Son parti «demeurera toujours aux côtés de ses alliés de l'Alliance (le FLN et le RND, Ndlr)», avait-il assuré tout en soulignant qu'il apportait son plein soutien au président de la République pour amender la constitution. «Nous continuerons à apporter notre soutien à ce troisième mandat avec la même conviction et la même force parce que cette période a apporté beaucoup de réalisations et de progrès au pays...», avait-il déclaré au quotidien londonien au mois d'août 2009. Aujourd'hui, le leader islamiste prône une révision globale de la Constitution et veut abroger l'article 74 pour limiter le mandat présidentiel à deux mandats et n'écarte pas l'éventualité de faire imploser la coalition présidentielle. «Notre avenir dans cette coalition sera tranché en juillet prochain, à l'occasion de la réunion du conseil consultatif (majliss echoura). Nous appliquerons à la lettre les décisions qui sanctionneront cette réunion. Si les participants jugent utile de nous retirer de l'Alliance, nous le ferons, s'ils décident le contraire, nous appliquerons également», a-t-il confié dans une interview accordée au quotidien l'Expression publiée le 22 mars 2011. Le successeur de feu Mahfoud Nahnah veut concrétiser ses ambitions. Il rêve du poste de Premier ministre. «Je ne fuirai pas mes responsabilités ainsi que le devoir national. Je dirai oui si le Président Bouteflika me le demande», a déclaré, le 27 juillet, Bouguerra Soltani lors de l'université d'été des jeunes militants de son parti qui s'est tenue au Centre de formation professionnelle de Birkhadem. Le chef de l'Etat ne l'a jamais contacté pour assumer ce type de responsabilité. Le président du MSP veut forcer le destin et part à la conquête du pouvoir et de l'électorat dans une conjoncture faite de contestations sociales et de revendications politiques. La rue algérienne est en ébullition et a la tête ailleurs. Elle sera certainement difficile à apprivoiser. Soltani veut tout de même tenter le coup...