L'ex-président charismatique d'El Islah, qui avait fait de son mouvement la troisième force politique du pays, caresse le fol espoir d'une unification du courant islamiste. Le retour annoncé de Abdallah Djaballah, sous les feux de la rampe, s'il se confirme, constituera sans conteste l'événement politique majeur de cette fin d'année 2009 qui aura été, il faut le reconnaitre, bien morose et inanimée tout au long de ces derniers mois. Quant à son ambition avouée de jouer les premiers rôles et rassembler sous une même bannière les partis islamistes, il aura à guerroyer avec Bouguerra Soltani qui avait affiché la même ambition au début du mois de janvier 2008. Le président du Mouvement de la société pour la paix (MSP) avait, en marge d'un colloque organisé par son parti, qui s'est tenu à l'hôtel Essafir à Alger, appelé les différentes formations politiques du courant islamiste à unifier leurs rangs. «Islamistes d'Algérie, unissez-vous!», leur avait-il lancé. «Nous avons une seule religion. L'Islam est unificateur! Il est sage de cesser toute combine entre nous pour aller au-delà de la sécheresse politique», avait ajouté, sous forme de constat de division dans son propre camp, le successeur de feu Mahfoud Nahnah. L'appel est resté sans écho. Un discours de circonstance? La mayonnaise n'a en tout cas pas pris. Pire. Les mois qui ont suivi ont montré un Mouvement de la société pour la paix à la peine. Sérieusement lézardé et prenant eau de toutes parts suite à un mouvement de dissidence, d'une ampleur aussi inattendue que violente, emmené par un des lieutenants du premier responsable du parti, Abdelmadjid Menasra. D'autres voix se sont élevées pour remettre en cause et rejeter sans ambages, de façon catégorique, la proposition de Bouguerra Soltani qualifiée de suspecte. «L'idée de Soltani ne nous intéresse pas et ce, pour une raison bien simple: le président du MSP lui-même ne croit pas à un courant islamiste unifié. Le MSP a un pied dans l'opposition et un autre dans le pouvoir. On ne partage pas les mêmes ambitions. Et on n'apprécie pas de surcroît leurs pratiques politiques», avait confié à L'Expression, au mois de février 2008, Lakhdar Benkhelaf, ex-secrétaire national à l'organique d'El Islah. Le décor est ainsi planté pour les futures joutes verbales qui pourraient pimenter le terrain politique en guise de souhait de bienvenue à celui qui était pressenti comme le challenger le plus sérieux de Abdelaziz Bouteflika pour la présidentielle d'avril 2009. Dans une interview qu'il avait accordée l'année dernière au journal londonien à capitaux saoudiens, El Hayat, le cheïkh Abdallah Djaballah avait déjà, à l'époque, annoncé la couleur. Il s'était dit porteur d'un projet politique à même de revigorer le mouvement islamiste et de rassembler toutes les sensibilités. «Il aura pour but de contribuer à un changement radical de la situation politique que vit le pays», avait confié le leader islamiste. Et que nous propose-t-il aujourd'hui? «Nous devons avant tout unifier le courant islamiste puis aller vers un rassemblement de tous les courants politiques algériens, quelle que soit leur nature. Nous devrons provoquer un changement de fond. Et cela ne pourra se faire à travers un seul courant politique.» L'idée qui aurait muri se précise. Trahi par les siens, mis en marge et en réserve contrainte et forcée d'une mouvance islamiste en pleine déconfiture, les coups d'Etat scientifiques ayant fait des émules, le Cheikh, qui avait fait d'El Islah la troisième force politique du pays en décrochant 43 sièges au sein de l'Assemblée populaire nationale lors des élections législatives de 2002, est en train d'opérer un retour remarqué sur le devant de la scène. Et il est fort à parier que du côté du QG du MSP, les commentaires doivent aller bon train. Abdallah Djaballah, qui devrait annoncer, officiellement d'ici la fin de l'année, la création de son nouveau parti, pourrait non seulement mettre à mal la formation de Bouguerra Soltani, une des composantes de l'Alliance présidentielle, à l'occasion des élections législatives de 2012, et retrouver par là même une tribune au sein du Palais Zighoud-Youcef, mais aussi se positionner comme le chef de file de la mouvance islamiste.