Il tient à préciser qu'il était le seul à la prison de la Santé à reconnaître prises le 20 août 1956. Dans un entretien accordé à notre confrère Le Quotidien d'Oran, Hocine Aït Ahmed dresse un portrait très positif de Abane Ramdane et insiste sur le caractère historique du Congrès de la Soummam. Le président du FFS, qui a livré son témoignage en tant que «militant de terrain», a souligné le rôle central joué par Abane Ramdane dans l'organisation du congrès en question. En effet, dès sa sortie de prison et «pendant des semaines, il squatta l'appartement (d'un militant du PPA) pour y recevoir ses nombreux interlocuteurs: dirigeants centralistes du PPA-MTLD, de l'UDMA, du PCA (...) Ramdane réussit à arracher aux délégués attitrés qu'ils procèdent à la dissolution de leurs formations politiques respectives et qu'à titre individuel, leurs militants s'intègrent dans le processus de création du FLN», révèle Aït Ahmed qui n'hésite pas à qualifier le travail de Abane d'«immense dans la perspective de la mobilisation de toutes les couches de la société». L'un des constats qui saute aux yeux dans les propos de Aït Ahmed sur le théoricien de la Révolution est qu'il contredit totalement les déclarations de Ahmed Ben Bella faites récemment sur la chaîne de télévision El-Jazira. Autant le second l'accable d'accusations infamantes, autant le premier le décrit comme l'un des piliers de la Révolution, voire un visionnaire à travers notamment «le principe de la primauté du politique sur le militaire (qui) avait une portée et garde, jusqu'à nos jours, une validité incontestable». Aït Ahmed et Ben Bella, qui ont un parcours quasi identique de 49 à 62, divergent sur de nombreux points relatifs au Congrès de la Soumam, à la plate-forme du même nom et à la composante humaine à la tête du FLN. Sur pas mal de ces questions, le leader du FFS apporte un témoignage fort intéressant. «Un congrès antagoniste avait même été prévu, soutenu par Nasser et Bourguiba» révèle-t-il. Selon lui, l'Algérie a frôlé les affrontements fratricides qui auraient pu être une conséquence logique d'une division des rangs de la Révolution. Sans citer nommément Ben Bella, Aït Ahmed pointe un doigt accusateur vers le courant nassérien dont se revendique ouvertement le premier président de la République algérienne. Cela étant, Aït Ahmed tient à préciser qu'il était «le seul à la prison de la Santé à reconnaître les décisions du Congrès de la Soummam». Cette reconnaissance est motivée par le «consensus national qui y fut esquissé et qui pouvait servir de support international à la constitution d'un gouvernement provi-soire», souligne l'ex-responsable de l'OS qui, contrairement à Ben Bella, accorde une importance capitale à la formation d'un Exécutif à même de «transcender les blocages résultants (et) créer la dynamique diplomatique et médiatique indispensable à une solution négociée avec la puissance coloniale». Le président du plus vieux parti d'opposition estime que «l'Algérie n'en serait pas là, exsangue et dévastée, si Abane n'avait pas été assassiné par les siens et si Ben M'hidi n'avait pas été exécuté par les autres. En d'autres termes, si le principe du primat politique sur le militaire avait été respecté». A entendre les discours de Ben Bella et d'Aït-Ahmed, force est de constater que les deux hommes divergent considérablement sur l'essentiel. Alors que Aït Ahmed considère que le 20 Août 56 est dans le prolongement de Novembre 54, Ben Bella pense que le congrès a été une trahison.