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«Il faut interagir avec les associations»
MOIS DU PATRIMOINE
Publié dans L'Expression le 21 - 04 - 2011

«La prise de conscience est de plus en plus grande. La capacité d'exigence est surdimensionnée par rapport à notre capacité d'action», dira M.Betrouni.
«Patrimoine culturel et proximité» tel est le thème choisi pour l'édition 2011 de cette manifestation à portée maghrébine qui se tient chaque année au mois d'avril et dure un mois. C'est ainsi que depuis le 18 avril dernier et jusqu'au 18 mai 2011 seront lancées à l'échelle nationale de multiples actions et activités.
Toutes les institutions publiques de la culture et du patrimoine culturel (direction et maisons de culture, offices de protection et de promotion, centres de recherches et musées) ouvriront leurs espaces spécifiques pour recevoir et laisser s'exprimer la société civile sur le patrimoine culturel, traduire ses points de vue et avis et proposer des réponses et des solutions, en s'impliquant au fur et à mesure dans le chantier de la mise en oeuvre de la politique et de la stratégie nationales du patrimoine culturel. Gageons qu'il y aura beaucoup de choses à dire et à dénoncer! Vous l'aurez compris, le ministère de la Culture, qui joue la carte de la transparence, a choisi cette année le «pari de la convention entre l'institution publique et le monde associatif sur les entendements et les objectifs». C'est partant de cette idée qu'une table ronde a été organisée le jour du démarrage du mois du patrimoine, soit lundi dernier au Bastion 23, haut lieu historique et culturel. Cette table ronde a réuni les représentants des structures centrales du ministère de la Culture avec de nombreux représentants d'associations qui évoluent sur le territoire. Une dizaine d'experts qui ont osé dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Bien que l'essentiel soit dans la pratique, cette table ronde a tout de même permis de repérer les failles de la politique enclenchée dans le cadre du patrimoine afin d'y apporter des corrections et avancer vers la lumière.
Pour M.Sid Ahmed Kerzabi, avant de penser à une politique de protection, il faut bien connaître et classifier ces espaces et étudier la nature des sites. Et d'ajouter: «On n'a pas fait ce qu'on devait faire: un inventaire, un aménagement. Nous avons une pression à cause des évènements qui se déroulent en Libye. Il y a des problèmes de sécurité à nos frontières qu'on doit protéger..» évoquant la loi 98-04, M.Mourad Bouteflika, directeur de la Conservation et de la restauration du patrimoine culturel, annoncera que certaines villes historiques seront érigées comme zone sauvegardée. Prenant l'exemple de la Casbah, il parlera de «temps» et de «priorité» révélant que quand le «financement existait, il était difficile de mettre en exécution les mécanismes en raison d'absence de plan de validation permanent qui, aujourd'hui, sera promulgué cette semaine. Aussi, nous apprend-on, l'Algérie possède 400 biens classés entre monuments et sites.
Entre 2007 et 2010, 300 opérations ont été instruites concernant les bien culturels protégés. «Les efforts sont énormes» dira-t-il. Prenant la parole Mme Samira Chalal, de l'association Area-ED de Cherchell, évoquera quant à elle, un gros problème, celui de la mauvaise gestion des sites et leur dégradation par les visiteurs malgré sa mission de sensibilisation et d'éducation. Quelle est la solution se demande-t-elle?
«Voilà comment on détruit des villages...»
Pour sa part, M.Ali Ben Sebguegue de l'association Les Amis de l'Ahaggar, estime qu'il est regrettable qu'on oublie chaque année de sensibiliser la population sur ces deux dates importantes à savoir que le 18 avril c'est la Journée du monument et le 18 mai celle du musée et inciter ainsi les gens à s'y rendre. «Il faut qu'il y ait une sensibilisation de l'administration locale pour sauvegarder les sites à travers le territoire. Moi-même j'ai déjà eu à détruire la maison de mes aïeuls pour y construire une nouvelle maison. C'est comme ça hélas, qu'on détruit des villages» dit-il avec dépit. Des mots qui sonnent fort à nos oreilles car faisant écho à un autre drame, celui de la démolition, à coups de bulldozer à Biskra, de l'une des dernières traces évoquant la mémoire du militant nationaliste algérien Larbi Ben M'hidi. On a fait table rase de la maison et de ce petit patrimoine où pourtant est inscrit sur son fronton encore le nom du chahid. Que faisaient les autorités locales pendant ce temps-là? Ironie du sort ou belle blague que d'entendre M.Mourad Betrouni directeur de la protection légale des biens culturels et de la valorisation du patrimoine culturel, dire que la question qu'on peut se poser est: «Y a-t-il du patrimoine qu'on a perdu? sa dégradation est-elle le fait de l'homme?» et d'avouer: «Je pense que cette prise de conscience est de plus en plus grande. La capacité d'exigence est surdimensionnée par rapport à notre capacité d'action» soulignant ainsi le «décalage» qui existe entre les faits et les envies. M.Betrouni tiendra aussi à signaler le travail entrepris aujourd'hui conjointement avec la gendarmerie contribue à déterminer, contrairement au passé, ce qui a été volé et le taux de déperdition des biens culturels. Evoquant la loi de 98-04 et bien qu'il reconnaisse que «nous sommes sur la bonne voie», M.Samta Benyahia de l'association du Vieux Rocher de Constantine, n'est pas allé de main morte pour dénoncer les constructions anarchiques qui ont défiguré et enlaidi sa ville, selon lui. Il citera l'exemple du téléphérique et du tramway qui ont dénaturé l'architecture de la ville suite à des «décisions arbitraires». Et de faire remarquer: «C'est l'autorité qui doit défendre la loi. On a cassé l'urbanisme central de cette ville. On ne fait pourtant que défendre l'identité de cette ville et de notre pays. Si on sanctionnait les responsables, les lois seraient appliquées avec rigueur..»
Projets à l'aune de 2012
Pour Mourad Bouteflika, cette table ronde vient à point nommé afin de connaître tout ce qui ne va pas. «Il faut une interopérabilité entre les structures publiques, les associations et les structures décentralisées qui agissent sur le terrain.» Aussi, après avoir organisé le débat sur le diagnostic général de l'état du patrimoine culturel en Algérie, la seconde partie de cette table ronde a consisté à faire un état des lieux de la mise en oeuvre de la politique et de la stratégie nationales en matière de patrimoine culturel. «Aujourd'hui et pour la première fois, le patrimoine fait partie du plan de l'aménagement du territoire à l'échelle de 2030» a indiqué M.Betrouni tout en invitant les présidents d'association à en prendre connaissance. S'agissant de la mise en oeuvre de la politique du ministère de la Culture, M.Bouteflika dira que celle-ci se divise en trois dispositions: une réglementaire, conformément à la loi 98-04, la seconde, de planification et la troisième, de programmation et d'investissement public partant de la réalité du terrain afin de connaître les actions de consolidation à suivre.
Au sujet de la restauration, une école en ce sens, sera mise en place en 2012 et une deuxième institution sera promulguée. Il s'agit d'une agence nationale des secteurs sauvegardés. Outre les monuments et sites classés, il y en a d'autres que la société civile souhaiterait voir être classés, a fait remarquer M.Dahmani, sous-directeur des études prospectives et du développement informatique. D'où cette question posée: «Quels sont les sites et monuments qui, selon vous, nécessitent d'être classés»? La question est lancée. A la société civile enfin de répondre.


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