L'administration US répète à l'envi que «chaque situation est différente» dans chacun des pays, selon l'expression du porte-parole de la Maison-Blanche, Jay Carney. Barack Obama va insister aujourd'hui sur les «opportunités» que recèlent selon lui les bouleversements en cours au Moyen-Orient, lors d'un discours qui devra tenter d'embrasser d'une analyse commune des situations dans des pays amis, alliés ou ennemis des Etats-Unis. Ce discours au département d'Etat, à Washington, va intervenir cinq mois après le début des révoltes qui ont renversé les régimes autocratiques tunisien et égyptien, ébranlé le Yémen et Bahreïn, des pouvoirs alliés de Washington, mais aussi la Libye et la Syrie, autant de situations auxquelles Washington a jusqu'ici réagi différemment. Face à des répressions sanglantes, la Maison-Blanche a ainsi appelé le colonel Mouamar El Gueddafi à quitter le pouvoir - et engagé ses forces armées pour soutenir les rebelles libyens -, sommé le président syrien Bashar Al Assad de «changer de trajectoire» et demandé au roi de Bahreïn Hamad ben Issa Al-Khalifa de respecter «les droits universels». L'administration US répète à l'envi que «chaque situation est différente» dans chacun des pays, selon l'expression du porte-parole de la Maison-Blanche, Jay Carney. Le discours de jeudi constituera «l'occasion de prendre un peu de recul et d'analyser ce dont nous avons été les témoins» ces cinq derniers mois, a expliqué mardi M.Carney. Selon lui, M.Obama estime que ces changements constituent «un moment d'opportunités» pour la région et veut «soutenir toutes les aspirations démocratiques de ses habitants». M.Obama «parlera en particulier de la façon dont nous pouvons soutenir ces changements bénéfiques, tout en nous concentrant sur nos principes de base: la non-violence, les droits de l'homme et le soutien à des réformes politiques et économiques», a indiqué M.Carney. Le président devrait aussi évoquer la mort d'Oussama Ben Laden le 2 mai dans un raid américain au Pakistan et sa signification pour la région. M.Carney avait noté dès le 3 mai que les manifestations pour la démocratie au Moyen-Orient «représentent un mouvement qui va dans une direction diamétralement opposée à celle dans laquelle Al Qaîda voulait entraîner le monde arabe». Mais selon des observateurs, M.Obama va devoir peser chaque mot, s'agissant d'une région aux équilibres fragiles et où les intérêts américains pourraient pâtir d'un brusque changement de cap. Spécialiste du Moyen-Orient à la fondation Carnegie, Marina Ottaway explique ainsi être curieuse «de la façon dont (M.Obama) va réussir à concilier le soutien aux transitions politiques et l'approche au cas par cas» des situations. «L'une des principales difficultés pour le président va être de faire sens pour les millions de personnes dans le monde arabe qui espèrent le changement, sans fâcher davantage des alliés importants des Etats-Unis dans le Golfe, qui ont intérêt à préserver le statu quo», renchérit Haïm Malka, expert ès Moyen-Orient au Centre pour les études internationales et stratégiques (Csis), un autre groupe de réflexion de Washington. Si ce discours intervient en pleine effervescence diplomatique sur une éventuelle reprise des négociations de paix israélo-palestiniennes, avec des visites cette semaine à la Maison-Blanche du roi Abdallah II de Jordanie et du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, M.Obama risque de ne pas être en mesure d'annoncer une nouvelle initiative pour un règlement dans ce dossier. Vu le récent accord de réconciliation entre le Fatah et le Hamas, les déclarations de M.Netanyahu sur le maintien des colonies de Cisjordanie et son refus réitéré de partager Jérusalem avec les Palestiniens, «ce n'est apparemment pas le moment de se lancer dans des discours optimistes» sur ce conflit, selon Nathan Brown, professeur à l'université George-Washington.