La Côte d´Ivoire se dirige droit vers l´inconnu alors que ses deux «présidents» se livrent à un bras de fer dont l´issue reste improbable. Or, après la menace, vendredi, des pays de l´Afrique de l´Ouest de «déloger» par la force Laurent Gbagbo, l´affaire est sortie de son contexte ivoiro-ivoirien et prend de dangereuses dimensions internationales. D´autant plus que la «Communauté internationale» (du moins ce qui en tient lieu) a pris fait et cause pour Alassane Ouattara. Laurent Gbagbo, pour sa part, se proclame «président élu». Ce dernier tient à sa «présidence» et est prêt à la défendre par les armes. Ne s´en laissant pas compter, Alassane Ouattara fait appel au «peuple» lui demandant de se soulever contre «l´indu occupant» de la présidence. En réalité, les ingrédients pour une guerre civile, qui serait néfaste pour les Ivoiriens, sont aujourd´hui en place. Ayant pour seul point commun la prise de pouvoir, Gbagbo autant que Ouattara, perdent de vue l´intérêt supérieur de la Côte d´Ivoire qu´ils sont censés défendre et protéger. Arrivés à cette extrémité du «moi ou le chaos», avec les fortes probabilités de se muer en tragédie pour le peuple ivoirien, avec tout ce que cela implique, l´un des protagonistes de ce triste scénario, aurait dû savoir raison garder. Cela ne semble pas devoir se faire eu égard aux renchérissements des uns et des autres. Aussi, forts de leurs soutiens, MM.Gbagbo et Ouattara sont-ils prêts à en découdre sur le terrain, par armée(s) interposée(s), avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir sur le peuple ivoirien qui ne semble pas, en l´occurrence, peser lourd dans la balance. Est-il encore temps de se poser la question: comment les choses en sont-elles arrivées là? Mais, à la réflexion, ce qui se passe aujourd´hui en Côte d´Ivoire n´est que le prolongement de ce qui a eu lieu hier au Zimbabwe, avant-hier au Kenya - la liste est longue de ces «dirigeants» africains prêts à mourir jusqu´au dernier de leur compatriote pour rester au pouvoir - sans doute demain ailleurs en Afrique pour la conservation et la jouissance du pouvoir. Le drame qui se noue en Côte d´Ivoire n´est pas propre à ce seul pays et est la résultante d´une culture politique biaisée de la prise et de la conservation du pouvoir. En Afrique on prend - et on garde - le pouvoir pour ce qu´il est: le «pouvoir». En d´autres mots, l´aptitude à dominer ses semblables, quitte à fouler aux pieds les règles en matière «d´exercice de l´autorité». Est-il possible d´appliquer à la Côte d´Ivoire les solutions bancales prises pour le Zimbabwe et le Kenya? Tous les experts répondent par la négative, d´autant que l´expérience a montré ses limites alors qu´elle a totalement échoué au Zimbabwe où la crise politique pointe à nouveau à l´horizon. De fait, le mal n´est pas ivoirien, zimbabwéen ou autre, mais africain, quand la notion de culture politique a un sens très spécieux se limitant à «l´homme fort» du moment. Hier, cet «homme fort» provenait alors des rangs de l´armée, aujourd´hui, plus nuancé, il revêt un «costume» civil. Cela est conforme à l´air du temps. Mais le principe est le même: conserver le pouvoir le plus longtemps, si possible à vie... M.Gbagbo a passé dix ans de la sienne à la tête de l´Etat ivoirien, dont au moins cinq ans (2005-2010) à tout le moins illicites non légitimés par les urnes. Au soir du 28 novembre, le président sortant a-t-il été réellement élu, alors que c´est un Conseil constitutionnel, qui lui est dévoué, qui l´a intronisé président? M.Ouattara, déclaré vainqueur par la commission électorale indépendante, veut l´usufruit de cette victoire. Il y avait un minimum de normes à observer: peut-on prétendre gouverner son peuple, quitte à s´imposer à lui par la force? Or, MM. Gbagbo et Ouattara sont prêts à sacrifier leur peuple pour le pouvoir. Même Salomon aurait eu bien du mal à trancher dans une tragédie où l´amour du pouvoir supplante celui pour le pays. Triste!