Hassan El-Hassani est de nouveau l'hôte du Titteri. La troisième édition du festival s'illumine, aujourd'hui, à la Maison de la culture à défaut du nouveau complexe reconverti, apprend-on, en annexe du centre universitaire. Des troupes théâtrales d'Alger, d'Oran et de Annaba, des compagnons de planche, des artistes et cinéastes, des associations locales et journalistes y présenteront, chacun dans son domaine, leur lecture et interprétation du thème «Hassan Hassani, vie et oeuvre». Un chapiteau bigarré et amical abritera ceux qui, avec leur mal vie, donnent vie à la culture. Natif de Ksar El-Boukhari, ville d'adoption de Hassan, j'ai glané des souvenirs prêts à servir un article-portrait réducteur de cet homme-orchestre comme on n'en fait plus. En 1981, j'étais à Révolution Africaine et au coeur de ma mémoire loge toujours cet entretien-miroir que j'avais l'intention de consacrer à un artiste de mon village comme je l'ai fait pour Abdelkader Farrah - l'un des plus grands scénographes contemporains - originaire lui aussi de Ksar El-Boukhari. Par un heureux hasard, j'ai rencontré Hassan Bencheikh au détour d'une ruelle menant vers la zaouia de Cheikh El-Moussoum que cet iconoclaste avait pour habitude de visiter épisodiquement. Je connaissais l'homme de théâtre et de cinéma, d'art et de technique. Mais le vrai personnage me fut livré loin de la scène et des feux de la caméra. Jovial, tour à tour «goual» de dictons, bédouin, citadin, flanqué d'énormes stocks de culture et de goût raffiné, esprit chevaleresque dû à ses origines des Ouled Antar - une tribu brave, fière et guerrière peuplant toujours Boghar. Alors que je m'accrochais à ses paroles, il sillonnait, dans une même envolée parolière, l'ancienne cité d'El-Boukhari et ses splendeurs évanescentes, le vénérable cheikh Moussoum, les premières cellules politico-militaires du FLN, le métier de coiffeur qu'il exerça à Berrouaghia dans les années 30-40 au même titre que ses activités théâtrales et surtout la rencontre décisive avec Mahieddine Bachtarzi, en tournée à Berrouaghia. Je lui ai demandé pourquoi un tel amas de talent et d'expériences valorisantes ne se fertilisent pas dans des Mémoires. «Non, répond-il, les écrivains n'écrivent plus, les cinéastes ne tournent plus, les planches de théâtre craquent dans l'indifférence. Cela, en plus de l'arnaque et de l'inquisition administrative. A quoi bon troubler la mort de l'artiste?» Hassan Hassani était-il déjà parvenu à l'orée de sa carrière avec comme seul écho des espoirs fissurés, une carrière ravagée arborant tardivement un constat de faillite. Hassan Bencheikh est né le 16 avril 1916 à Boghar, un village idyllique où il exerça le métier de coiffeur après un cycle primaire sanctionné par un CEP. Les premières impulsions théâtrales lui sont venues à Berrouaghia, village où s'est fixé son père Abdelkader, en 1936, pour enseigner à l'école Bélaïd. Hassan reprendra son métier de coiffeur, puis la gérance du cinéma Rex jusqu'en 1945. Berrouaghia était une cité regorgeant d'activités patriotiques à l'image de l'association «Echemss» fondée en 1936 par Si Hassan pour donner une voix au mouvement nationaliste représenté alors par le PPA puis le MTLD. C'est le temps de El-Houria, une pièce qui lui vaudra les geôles du colonialisme. De fil en aiguille, il poursuivra son bonhomme de chemin sur scène, face au micro de la radio et au petit écran. Une pièce «El-Moutabaâ» (la poursuite) de Mustapha Badie, signe l'engagement de Hassan El- Hassani dans la guerre de Libération nationale, et une série d'emprisonnements jusqu'en 1959. Après l'indépendance nationale, c'est le TNA, aux côtés de Amar Ouhadda, Rachid Zouba et Mustapha El-Anka, la télévision et l'ONCIC. Le célèbre personnage du Le vent des Aurès s'est éteint en 1987 aux Portes du silence de Amar Laskri.