Alors qu'on croit maîtriser les forces des GIA, on se retrouve à revoir nos copies. L'extrême violence du coup que les GIA ont porté aux services de sécurité à Miliana est une nouvelle donne à saisir au vol. Car, d'une part, on lorgnait du côté de la Kabylie, où les services de sécurité trouvaient, à la défaveur d'une région et d'un contexte sociopolitique défavorable, mille et une difficultés pour venir à bout du Gspc, et d'autre part, on estimait les GIA de l'Ouest, du moins ceux activant sur le pourtour de l'Ouarsenis, notamment à Chlef et Tiaret, sinon en phase de désagrégation, du moins en net fléchissement. Et voilà que des membres des services de sécurité, principalement des militaires et des GLD, ont trouvé la mort à Sidi Medjahed, près de Miliana, dans la wilaya de Aïn Defla et 3 autres ont été blessés dans une embuscade tendue par des GIA. L'opacité de l'attaque, la force déployée et l'importance des assaillants et des hommes tués (une dizaine, huit ou cinq, selon les estimations de la presse) sont telles qu'il n'a pas été possible d'en faire un bilan fiable. Il a fallu attendre la très officielle APS pour avoir le bilan définitif: un militaire et deux GLD ont été tués lors de l'attaque perpétrée mardi 17 décembre. Le quotidien francophone qui s'est empressé de donner un nombre d'assaillants pour le moins ébouriffant (200), a été contraint, le lendemain, de revoir ses chiffres à la baisse (100). C'est dire la totale opacité s'agissant de cerner de près une nébuleuse dont on ignore tout finalement. D'après une source sécuritaire à Aïn Defla, «l'importance du groupe des assaillants de Sidi Medjahed est un fait, mais parler d'une centaine de terroristes réunis ensemble au même endroit est une insulte faite aux corps de sécurité, et procède d'une méconnaissance totale du terrain, les groupes armés ne se regroupent plus en nombre important. C'est tout juste s'ils se déplacent aujourd'hui en groupes de 6-10 hommes». Alors qu'on pense maîtriser une nébuleuse armée dont les visées théologico-politiques échappent encore à l'analyse, voilà qu'on se découvre en train de revoir nos copies. L'importance des assaillants renseigne-t-elle sur de nouveaux ralliements? Procède-t-elle d'une alliance objective entre les différentes factions activant à Aïn Defla (GIA, Gspd et Ghds)? Est-ce là de nouveaux positionnements des GIA? Les questions peuvent se poser à longueur de ligne, car l'interprétation est d'autant plus aisée qu'elle ne va pas soulever d'opposition ou de démenti. Ce qui est certain, en revanche, ce sont les nouvelles mutations auxquelles ont procédé les groupes armés. Le Gspc bénéficie, désormais, de nouveaux alliés à l'Ouest. Le GIA de Ouakali, après le démantèlement de son «groupe des 16», section algéroise active arrêtée au début de l'été 2002, est en train de revoir sa stratégie et de se démarquer des assassinats collectifs pour cibler ses attaques. Les derniers massacres le prouvent. Le Gspd du fontomatique Abdelkader Saouane refait surface à Derrag, Djendel et Miliana, et il est fort à parier que le massacre de Sidi Medjahed soit son signal de retour après une période d'effacement (volontaire?) où il a été notamment question de la mort de Saouane d'une hyperglycémie. Ce qui est certain c'est que, aujourd'hui, sous nos yeux, se déploie une nouvelle carte du terrorisme. L'armée a certes réussi à battre militairement les GIA sur le terrain, mais ceux-ci se déploient sur un autre registre: l'attaque, le repli, la dissimulation, avant de se fondre au petit jour dans les tissus urbains! Les réseaux de soutien sont encore à ce point performants et méconnus pour inciter à cette réflexion.