Depuis 48 heures, des commandos spéciaux de l'ANP traquent Antar Zouabri et sa garde rapprochée qui ont échappé, dans les heures précédentes, à une embuscade tendue par les forces de sécurité. Ce sont des repentis qui ont fourni à l'armée les renseignements qui ont permis de localiser la zone de «transhumance» des derniers éléments armés du GIA. Les services de sécurité ont mis le paquet à la suite d'informations faisant état de la reconstitution de réseaux dormants dans la perspective d'un prochain ramadhan sanglant. Depuis son «imarat», le GIA, synonyme d'unité et de force, est devenu un conglomérat de groupuscules autonomes, sanguinaires à volonté, éparpillés aux quatre coins du pays et n'obéissant à aucun commandement unifié. D'ailleurs, la nouvelle dénomination, les GIA, renseigne sur l'éclatement du mouvement en plusieurs ramifications. Première organisation terroriste à être officiellement mise sur pied, à partir de 1992, le GIA est la branche-mère de tous les groupes armés, qui sont venus après: le MEI, la Lidd, le Fida, El Baqoun'ala Al-Ahd, l'AIS, El-Ahoual et le Gspc. Seul peut-être, le MIA (non pas celui de 1981, de Bouyali, mais celui de 1991, 1992, du «bouyaliste» Abdelkader Chebouti) peut se prévaloir d'une ancienneté semblable, mais qui sombrera dans l'oubli dès 1994. L'organisation connaît son apogée dès le début de l'émirat de Djamel Zitouni, le 27 octobre 1994. Ni Layada, ni Abou Abdellah Ahmed, ni Abou Khalil Mahfoudh n'ont pu aller aussi loin. C'est le temps où le GIA tuait les ressortissants français, détournait l'airbus d'Air France et adressait des lettres de menace au président français Chirac. C'est l'époque aussi de l'assassinat des sept moines trappistes de Tibhirine et les négociations que le GIA engagera avec les officiels et les services de renseignements français, ainsi que la vague des attentats perpétrés dans l'Hexagone. La France, d'abord, l'Europe entière, ensuite, découvre l'ampleur, l'importance et la complexité des réseaux islamistes du GIA. Le 17 juillet 1996, Zitouni est tué dans une embuscade. Un de ses fidèles lieutenants, Zouabri, prend la relève. C'est le début de la lente désagrégation des GIA. Le nouvel émir national des GIA, Antar Zouabri, ex-petit voyou de la périphérie de Boufarik qui rêvait de devenir grand caïd, a près de trente-deux ans, lorsqu'il prend en main l'organisation. Etant d'un niveau intellectuel inférieur, ne bénéficiant ni de la conception stratégique des djazaâristes ni du charisme de ses prédécesseurs à la tête du GIA, il multiplie les massacres collectifs et instaure «la stratégie de l'horreur». Du haut de ses fiefs de Médéa et dans le massif blidéen, il commandite ou conduit lui-même ses escadrons de la mort vers des expéditions sanglantes et spectaculaires. Désormais, sauf sous une menace dûment prononcée, les populations lui tournent le dos. A partir de 1997, l'armée investit les fiefs traditionnels du GIA. Les troupes de Zouabri se dirigent vers l'Ouest, Chlef, Aïn Defla, Khemis Miliana, Relizane, Tissemsilt et ses régions connaissent, à ce jour, les affres du GIA, ou de ce qui en reste. Car entre-temps, l'organisation a éclaté en une vingtaine de groupes et de groupuscules autonomes, maffieux et sans stratégie cohérente. Ce sont désormais les GIA. Lorsque le Président de la République prend ses fonctions à la tête de l'Etat, le 16 avril 1999, il n'est plus alors question que du Gspc né officiellement le 14 septembre 1998, de l'AIS et de la Lidd, en trêve, depuis le 1er octobre 1997. Les GIA se font de plus en plus «silencieux». Les éléments armés tombent les uns après les autres. A partir de 1999, on n'entend pratiquement plus parler de Zouabri, ce qui laisse la porte grande ouverte à toutes les spéculations. Le Gspc se place, dès 1999, comme l'organisation terroriste la mieux structurée, la plus importante et même carrément hégémonique. A partir des monts de Bouzegza, jusqu'aux confins des monts Nemamcha, en passant par les forêts de Mizrana, Sid-Ali Bounab, Takhoukht, les monts Babors et de l'Akfadou, le Gspc est en position de force. Les groupuscules de l'Est, affiliés aux GIA, prêtent serment pour Hassan Hattab. Depuis le début de l'année 2001, les GIA se redéploient. Leurs facultés à survivre et à se replacer dans le paysage sécuritaire, est extraordinaire. En huit mois, ils ont à leur compte près de 1 000 assassinats. Jusqu'à la veille de la tenue du Festival mondial de la jeunesse, ils avaient multiplié les massa- cres aux portes d'Alger et menaçaient les estivants et les «festivaliers», avant de se replier sous les coups des ratissages militaires plus à l'Ouest, et plus au Sud, sur les hauteurs de la Chiffa. Combien sont-ils actuellement? Aucune référence sûre ne peut le dire, mais leur cheminement et leurs actions renseignent sur l'essentiel. Quelques centaines, divisées en groupes d'inégale composition en armes et en hommes. Aucune perspective de portée, comme dans la stratégie du Gspc. Une «aire d'activité» allant de la Chiffa et Oued Djer à Relizane, avec des replis vers les forêts de Ténès où les monts de l'Ouarsenis, avec des incursions sanglantes et «imprévues» dans les hameaux isolés, avant de sombrer dans des périodes d'hibernation bizarres. Leurs actions devenues un mélange de brigandage et de criminalité les ont déjà condamnés à une mort, certes, à petit feu. En petits tas.