L´arbitrage salvateur du chef de l´Etat paraît de plus en plus probable. Entre les tenants de l´ultra-libéralisme défendu par des ministres très proches des institutions financières internationales et les tenants d´un ordre social plus modéré sans renier les principes de l´économie de marché et de la mondialisation, la bataille fait rage tant au niveau des institutions de l´Etat que médiatique et politique. Les fameuses quatre commissions mises en place à la suite de la bipartite de septembre dernier ont presque finalisé leurs travaux, apprend-on de sources proches de la Centrale Ugta. Le Chef du gouvernement lui-même avait insisté tout particulièrement afin que les rapports lui soient remis avant la fin de cette année. La commission chargée du logement social en faveur des travailleurs, croit-on savoir, s´acheminerait vers une formule proche de la location-vente destinée à des catégories professionnelles suivant leurs pouvoirs d´achat et les moyens que peuvent mettre dans la cagnotte leurs secteurs respectifs. Quant à la commission chargée de plancher sur la révision à la hausse des salaires de la Fonction publique tous corps de métiers, l´on apprend que les négociations piétinent toujours. Il est même peu probable que le rapport puisse être finalisé dans les délais requis par Ali Benflis. Les responsables de l´Ugta campent, en effet, sur leurs positions, et refusent catégoriquement de faire la moindre concession en dépit des déclarations positives faites en ce sens par le ministre du Travail et de la Protection sociale, Tayeb Louh, lors de la l´ouverture de la session du Cnes (Conseil national économique et social) au Palais des nations la semaine passée. Le Chef du gouvernement, dans l´état actuel des choses, donne l´air de ne pas trop savoir où donner de la tête. Alors que les résolutions issues de la dernière bipartite tardent toujours à se cristalliser en actions concrètes sur le terrain, la Centrale Ugta revendique déjà une seconde rencontre, autrement plus importante que la première. L´Ugta, par la voix de son secrétaire général, Abdelmadjid Sidi Saïd, «veut mettre sur le tapis la stratégie globale de relance économique, de développement social et de soutien à l´investissement». Sur la lancée, il est reproché aux pouvoirs publics, plus précisément à tous les gouvernements successifs depuis 1990 jusqu´à l´actuelle équipe exécutive, un manque de visibilité flagrant dans l´élaboration des politiques sociales et économiques dans notre pays. Une totale rupture de dialogue est intervenue entre les ministres Chakib Khelil et Hamid Temmar et la Centrale Ugta. Cette dernière demande désormais à traiter directement avec le Chef du gouvernement, n´excluant même plus l´éventualité d´en appeler à l´arbitrage du chef de l´Etat, en cas de blocage définitif, lui rappelant ses promesses électorales contenues dans le programme qu´avait soutenu l´Ugta, «sans complexes aucun», tient encore à rappeler Sidi Saïd. Les deux démarches qui opposent frontalement le gouvernement et l´Ugta concernent le projet de loi sur les hydrocarbures de Chakib Khelil et la privatisation des entreprises publiques par paquets de 40 de Hamid Temmar. Les organisations patronales les plus représentatives rejoignent en très grande partie la démarche globale de la Centrale Ugta. Elles revendiquent, elles aussi, plus de visibilité et de transparence dans la gestion des affaires économiques du pays. La conférence sociale et économique, grand rendez-vous de l´année à venir, regroupera les plus grands acteurs sociaux et économiques du pays, accostera le port de propositions concrètes que les pouvoirs publics ne pourront pas ignorer même s´ils ne sont pas tenus de toutes les appliquer. Une sorte de consensus salvateur est attendu entre ces adversaires que rien ne semble rapprocher pour le moment, hormis le chef de l´Etat lui-même, sa diplomatie et ses coutumiers coups de théâtre. Si un pareil consensus n´était pas trouvé, le risque d´aller vers de grands conflits sociaux n´est guère à exclure. Or, ces incidents interviendraient à tout juste quelques mois de la présidentielle. Or, Sidi Saïd a tenu à rappeler lors de toutes ses sorties médiatiques qu´il oeuvrerait à éviter le scénario argentin, même si quand on cherche l´Ugta on la trouve. La balle, en quelque sorte, est dans le camp des pouvoirs publics. De très grands rendez-vous sont là pour y veiller. Le gouvernement n´a pas intérêt à les manquer, sous peine de rater au passage son rendez-vous avec l´Histoire.