Un 1er janvier 2003 qui n'augure rien de bon quant au civisme de notre jeunesse en folie ! Le 1er janvier 2003 étant une journée fériée, toutes les rues de la capitale étaient inondées de monde. Les restaurants, cafétérias, salons de thé, pizzérias, fast-food, gargotes affichaient complet. Le parc zoologique de Ben Aknoun regorgeaie de monde, le parc d'attractions n'arrivait plus à contenir les masses humaines qui débarquaient de partout. A pied, en voiture, en bus ou en taxi, familles au complet, jeunes ou couples, tous voulaient profiter du beau temps dans cet espace unique de jeux, de distractions et de grand air, qui demandent pourtant une sérieuse prise en charge vu le stade de dégradation très avancé auquel il est arrivé. Ceux qui ont choisi de passer cette première journée à l'Office Riadh El-Feth, qui a connu une effervescente inouïe, se sont hélas trompés de choix! Au niveau de l'esplanade, des enfants jouaient sous l'oeil attentif de leurs parents, aux abords des balustrades, des jeunes adolescents guettaient la proie idéale à conquérir, au milieu de ces scènes quasi-normales, le spectacle qu'offraient les abords de la salle Abdelhak-Benhamouda était effarant, cauchemardesque, ahurissant! Une foule inimaginable d'hommes, de femmes et d'enfants «s'agglutinait» autour de la salle. Des queues désordonnées, une pagaille incontrôlable, une hystérie injustifiable...En somme, un spectacle inqualifiable s'offrait à nos yeux. Qu'en est la raison? Le film de Yamina Bachir Chouikh, Rachida. De nombreuses personnes, groupes de femmes, familles entières, vieilles grands-mères, mères, filles et belles-filles accompagnées d'enfants, tous ont préféré voir ce film dont ils ont entendu beaucoup de bien, à cet endroit plutôt qu'à la salle El-Mouggar, qui n'est pas bien située selon eux. «On a cru bien faire», lance une vieille femme fort déçue. «On s'est trompés.» «Qu'est-ce que c'est que cette anarchie, n'y a-t-il pas d'agents de sécurité pour faire régner un peu d'ordre?» s'indigne une autre femme. «Nous, on a achetés nos billets mais on n'arrive quand même pas à rentrer», crie un père de famille scandalisé par ce qui arrivait. Et il y avait de quoi être scandalisé! Notre «jeunesse» est loin d'être à la hauteur de nos attentes. Aucune éducation, aucun respect pour les vieux et encore moins pour les femmes. Sans scrupules et dépourvus du moindre soupçon de civisme, des adolescents en délire se faufilaient entre la foule pour acheter des billets par dizaines qu'ils revendaient par la suite au «marché noir», d'autres, sous l'effet de drogues ou d'on ne sait quels euphorisants, se collaient aux jeunes filles à vouloir les «mater», d'autres encore criaient d'excitation à vous crever les tympans ou tapaient sur les vitres à au point de les briser. Un vrai cauchemar. Un jeune garçon évanoui fut porté par ses copains hors de la foule et étendu par terre, inconscient sans qu'aucune aide lui soit apporté si ce n'est une jeune fille présente sur les lieux qui lui a prodigué les premiers soins, deux adolescents à l'aspect répugnant, aux habits sales et froissés se disputaient au grand plaisir de leurs copains qui réclamaient plus de violence. Aucune présence de gardes, d'agents ni de responsables des lieux n'était perçue, tout le monde était livré à lui-même. Avec une demi-heure de retard, quelques chanceux et d'autres, patients, ont pu suivre, malgré tout, le film pour lequel ils étaient venus. Les uns étaient entrés par l'entrée principale, d'autres n'ont dû leur salut qu'à une issue improvisée, ouverte en dernier recours, qui leur a permis de visiter par la même, les coulisses de la salle. Le chef-d'oeuvre de Yamina Chouikh avait tout pour faire oublier les péripéties par lesquelles nous étions passés avant de pouvoir s'installer enfin sur un fauteuil et suivre cette émouvante histoire qui nous rappelle si bien le drame qu'a vécu notre cher pays et dont les traces sont encore visibles dans nos coeurs et dans nos vies. Une grande émotion nous étreint, nous ne pouvons contenir nos larmes tant les images sont poignantes. Une volonté féroce nous anime, celle de défier quiconque voulant nuire à notre pays, celle de vouloir toujours aller de l'avant malgré les obstacles, celle de toujours garder l'espoir en des jours meilleurs comme ces petits écoliers qui, malgré leur drame, suivent leur maîtresse vers leur classe. Mais peut-on avoir espoir aujourd'hui en ces jeunes, à l'image de ceux qui étaient présents dans la salle et que le tragique de l'histoire raconté par Yamina Chouikh n'a pu empêcher de rire, danser et chanter sans aucun égard pour les victimes ni aucune sensibilité pour des corps mutilés par centaines? Les jeunes d'aujourd'hui peuvent-ils, dans ces conditions, sauver l'Algérie de demain...? Aux parents de répondre!