Il sera de plus en plus dur, voire impossible sous peu, que les candidats à l'émigration par le biais d'un simple visa touristique, une prouesse autrefois envisageable, ou de cette “nouvelle formule” qu'est la harga, puissent accéder à leur rêve européen. On l'aura souvent dit, à tort ou à raison : l'Amérique inspire beaucoup la France de Sarkozy. Beaucoup trop, aux yeux de certains. Et comme c'est cette France-là qui assure la présidence de l'Union européenne depuis le 1er juillet, c'est toute l'UE qui en devient férue des méthodes et procédés US. C'est ainsi que la Green Card américaine semble désormais bien placée pour s'exporter au Vieux Continent. Sauf qu'en cours de route, elle changera de couleur pour que de verte, elle devienne bleue. Les pays européens, en butte à un chômage endémique et menés par Paris, s'apprêtent donc à se doter de cet instrument qu'est la Carte bleue, et qui va leur permettre non pas seulement de contrôler les flux migratoires qui les “envahissent” depuis le Sud ,et dont ils n'ont pas fini de se plaindre, mais aussi et surtout de concrétiser enfin ce vieux rêve de pouvoir choisir leurs immigrés. Comme les USA ou le Canada, des pays comme la France, l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne, pour ne citer que ces destinations privilégiées des candidats maghrébins et africains à l'émigration, vont pouvoir sélectionner les meilleurs grâce à la Blue card. Les meilleurs, ce sont les détenteurs de diplômes susceptibles d'apporter une plus-value aux économies des pays d'accueil. Pour sa part, le Royaume-Uni, également prisé par les migrants du Sud, du Moyen-Orient et de certains pays d'Asie, n'est pas en reste. Londres envisage, en effet, l'institution d'une carte d'identité pour les étrangers qui y sont établis. Ici, la donne sécuritaire est certainement prise en compte, sans doute plus que dans les pays de l'UE. Mais l'argument économique a dû peser autant, sinon plus. Première conséquence, immédiate et certaine, de ces mesures : la “fuite des cerveaux” qui hypothèque lourdement le développement économique et social dans la rive sud de la Méditerranée va se poursuivre… de manière organisée. Autre conséquence, moins immédiate mais aussi certaine : il sera de plus en plus dur, voire impossible sous peu, que les candidats à l'émigration par le biais d'un simple visa touristique, une prouesse autrefois envisageable, ou de cette “nouvelle formule” qu'est la harga, puissent accéder à leur rêve européen. Ces deux effets attendus de la Carte bleue européenne somment, plus que jamais, les pays du Sud d'imaginer et de mettre en œuvre des politiques d'insertion sociale qui permettent à leurs économies de tirer profit des compétences de leurs universitaires. À défaut, ils sont guettés par plus de chômage et plus d'instabilité. S. C.