Le dernier groupe des hadjis s'est envolé, vendredi, depuis Constantine vers Djeddah, clôturant ainsi la plus problématique campagne omra depuis des décennies. Au niveau de l'aéroport Mohamed-Boudiaf, le dernier départ s'est déroulé dans d'excellentes conditions, comparé à ceux des deux premières semaines du mois en cours. “Je suis décontracté et je ne peux que l'être quand je pense que d'autres n'ont pas eu de visa ou qu'ils ont pris un vol de dernière minute dans la précipitation”, explique un hadji avant d'aller vers la salle d'embarquement. Cette fin en douceur contraste avec plus de quatre mois de crise gérée difficilement, aussi bien par les services consulaires de l'Arabie Saoudite que par les agences de voyages algériennes. Tout a commencé avec la diminution des capacités d'accueil à La Mecque à cause des travaux de réhabilitation de la ville sainte. La diminution du nombre de lits ne pouvait que s'accompagner d'une baisse de celui des accords préalables de visas (mouaffaka). Il ne fallait surtout pas se retrouver avec des hadji sans hébergement et dans des conditions d'hygiène et de sécurité difficiles. Ainsi, les autorités saoudiennes en charge des visas, soucieuses de réussir cette campagne, exigèrent des agents algériens une réservation ferme de lits. Ce qui est logique, légitime et souverain. Les opérateurs algériens étaient obligés de payer rubis sur l'ongle la facture d'hébergement des mois à l'avance pour répondre à ce critère. Logiquement, les partenaires saoudiens des opérateurs algériens devraient s'engager à honorer les accords préalables de visas selon le nombre des réservations fermes. Avec le temps, les plus importants opérateurs algériens découvriront qu'ils étaient dupés. En effet, leurs partenaires saoudiens étaient incapables de leur assurer les accords préalables au prorata des lits payés à l'avance. Du coup, ces agences se sont retrouvées avec un nombre de visas nettement inférieur au nombre des lits réservés et, partant, des dossiers acceptés au niveau de leur front desk. D'autre part, des agences de dimension moyenne, avaient des disponibilités d'accords préalables de visas au-dessus de leurs moyens de paiement des engagements pris en Arabie avec les hôteliers. Même chose pour la billetterie aérienne. Le cocktail pénurie chez les uns, excédent chez les autres, était réuni au sein d'un même paysage et autour d'un même produit, devenu rare avec les accords préalables de visas. Un marché informel de visas (il faut bien le dire) s'est installé. Dans une déclaration à un confrère, le patron d'une grande agence de voyages, qui a réservé et payé en Arabie Saoudite pour 7 000 pèlerins, a reconnu avoir recouru à des visas en deuxième main. Les agences de voyages sérieuses et les services consulaires de l'Arabie étaient pris dans un véritable piège par… une mafia du tourisme religieux. “Le mal se situe au niveau de la relation agents algériens-partenaires saoudiens, et qui s'est établie loin des regards vigilants, aussi bien de l'ambassade d'Arabie à Alger que du tout nouvel office du hadj et de la omra”, explique le responsable des opérations “out going” auprès d'une agence installée à l'est du pays. “Les autorités saoudiennes et algériennes étaient placées devant le fait accompli”, conclut notre interlocuteur. “L'essentiel est que des enseignements soient tirés”, explique M. Belhadj, premier opérateur versé dans la omra en Algérie. Pour ce dernier, “les relations entre opérateurs algériens et saoudiens doivent se faire sous l'égide des services consulaires de l'Arabie Saoudite à Alger. C'est la seule garantie pour obliger les partenaires des deux côtés à respecter leurs engagements”. Plus précis, notre interlocuteur souhaite voir s'appliquer, dans toute sa rigueur, la règle selon laquelle le nombre de visas doit être octroyé selon le nombre de lits réservés fermes. M. Belhadj insiste, dans la foulée, sur le rôle que doit jouer Air Algérie. “Le pavillon national ne doit pas perdre ce grand marché au profit des autres compagnies la veille de l'ouverture du ciel à la concurrence. Pour cela, il doit se comporter en partenaire et non en détenteur de monopole de fait.” En effet, sans la compréhension d'Air Algérie, les agences algériennes ne pourront pas gérer les retombées néfastes du dysfonctionnement du système des visas. C'est une occasion pour la compagnie de s'adapter aux aléas des activités des tours-opérateurs et de les fidéliser. Mourad KEZZAR