La directrice générale de l'Agence nationale d'intermédiation et de régulation foncière (Aniref) revient dans cet entretien sur les principales dispositions de la nouvelle ordonnance portant sur le foncier industriel. Mme Mokraoui rassure les investisseurs en présentant les divers avantages dont peuvent bénéficier les opérateurs économiques tout en écartant les spéculateurs et les parasites. En expliquant les nouvelles modalités de l'ordonnance, Mme Mokraoui affirme que l'investisseur réduit ses charges financières puisqu'au lieu de mobiliser des fonds pour l'acquisition du terrain sur lequel il implantera son projet, il n'aura à s'acquitter que d'une redevance locative annuelle. Liberté : Dans le cadre de la réorganisation de l'utilisation du foncier public, une nouvelle ordonnance relative au domaine privé de l'Etat a été promulguée le 1er septembre dernier. Quelles sont les principales nouveautés introduites par ce texte en comparaison avec l'ancien dispositif ? Mme Mokraoui : La nouvelle ordonnance, dont l'objectif premier est de préserver une richesse non renouvelable, réorganise, dans cette perspective et dans cet esprit, les modalités d'accès au foncier public et introduit de nouvelles règles pour sécuriser l'investisseur. Elle énonce les principes suivants et consacre d'abord la concession comme mode exclusif de mise à disposition du foncier public. Ainsi, désormais, la cession de parcelles de terrains relevant du domaine de l'Etat, et ce, quelle que soit la catégorie du foncier (touristique, agricole, urbain, industriel) n'est plus autorisée. Il faut savoir que la conversion du mode de la concession en cession, prévue dans l'ancien dispositif, est de ce fait supprimée. Ensuite, la nouvelle ordonnance consacre les enchères publiques comme procédure privilégiée de la concession, le gré à gré étant réservé à des projets de stature particulièrement importante au regard de la stratégie et des objectifs socioéconomiques de l'Etat. Elle est décidée en Conseil des ministres sur proposition du Conseil national de l'investissement (CNI). Il faut également relever que l'ordonnance autorise des enchères publiques par arrêté du ministre dont relève le bien immobilier, objet de la transaction. Enfin, elle consacre la pérennisation du droit de jouissance résultant de la concession par un allongement de la durée de celle-ci, qui passe de 20 ans minimum dans l'ancien dispositif à 33 ans renouvelable, deux fois, soit une durée maximum de 99 ans, la consécration de la séparation de la propriété du sol de celle des constructions édifiées sur le terrain concédé, la consécration de la cessibilité du droit réel résultant de la concession et l'actualisation périodique, soit tous les 11 ans, du montant de la redevance locative. Les opérateurs économiques ont, à plusieurs reprises, exprimé leur inquiétude quant à l'impact de la nouvelle législation sur l'accessibilité du foncier industriel. Ils craignent qu'elle favorise les puissances de l'argent au détriment des investisseurs sérieux. Selon vous, ces appréhensions sont-elles fondées ou relèvent-elles de simples spéculations ? Je pense, au contraire, que les investisseurs devraient être rassurés car le nouveau dispositif présente de nombreux avantages et lève certaines contraintes. Ainsi, la concession pour une période relativement longue, comme je vous l'ai indiqué au début de l'entretien, garantit la stabilité à l'investisseur, en lui assurant la pérennité du droit de jouissance sur l'assiette foncière. Elle réduit, en outre, ses charges financières puisqu'au lieu de mobiliser d'importants fonds pour l'acquisition du terrain sur lequel il implantera son projet, il n'aura à s'acquitter que d'une redevance locative annuelle qui ne grèvera pas lourdement son budget. Les économies ainsi dégagées serviront au financement du projet proprement dit. Ce qui n'est pas négligeable pour les PME-PMI, notamment. Par ailleurs, ce mode d'accès au foncier présente, donc, comme vous pouvez le constater, les avantages de la propriété sans ses inconvénients. Il faut ajouter, dans le même esprit, que le droit réel résultant de la concession peut être hypothéqué, à l'instar de la propriété immobilière, pour garantir des emprunts bancaires. L'investisseur peut, ainsi, proposer, à son banquier, deux hypothèques distinctes : l'une ayant pour objet les constructions édifiées sur le terrain concédé, et l'autre le droit réel de jouissance. Ce qui représente un atout majeur pour le chef d'entreprise et une sécurité pour les établissements financiers. Je dois aussi ajouter que le recours aux enchères publiques, ouvertes ou restreintes, qui met en compétition les porteurs de projet, garantit la transparence de l'opération et permet la sélection des investisseurs les plus engagés. Il stimule la concurrence saine et élimine parasites et spéculateurs. Seuls les entrepreneurs sérieux seront, en effet, retenus pour participer aux enchères. Des garde-fous sont prévus à cet effet. La cessibilité du droit réel résultant de la concession introduit une certaine souplesse dans la gestion de l'investissement. Ainsi, l'opérateur qui veut transmettre son entreprise, soit par cession, soit par fusion, ou par tout autre moyen, peut le faire sans difficulté, bien qu'il ne soit pas propriétaire de l'assiette foncière sur laquelle elle est érigée. Un autre avantage résulte de la stabilité, sur une période assez longue (11 ans), du montant de la redevance locative. Voilà, de manière synthétique, les principaux bénéfices que l'investisseur tire du nouveau dispositif ; vous conviendrez, avec moi, que l'on est loin des inquiétudes que vous évoquez dans votre question. L'Aniref a été créée en 2007, pour contribuer à mettre de l'ordre dans la location du foncier industriel. La mise en œuvre de la nouvelle ordonnance aura-t-elle un quelconque impact sur ses missions ou son fonctionnement ? Le nouveau texte a pour objet de définir les conditions et modalités de concession des biens relevant du domaine privé de l'Etat. De ce fait, il ne concerne pas directement l'Aniref, et le décret exécutif 07 119 du 23 avril 2007 qui la créé et fixe ses statuts n'a fait l'objet d'aucune modification. L'agence continuera, donc, comme par le passé, à assurer ses missions de gestion, d'intermédiation, de régulation et de promotion foncière. Néanmoins, elle participera, en tant qu'organisme public chargé de la gestion du foncier industriel, à la mise en œuvre de ce dispositif. Elle doit, à ce titre, modifier et adapter ses procédures pour les conformer aux nouvelles règles. Elle travaille déjà sur la modification et la mise à niveau de son site web. L'Aniref doit revoir notamment le guide foncier de l'investisseur qu'elle a élaboré sous l'empire de l'ancien dispositif. Mais il faut attendre la publication des décrets d'application de l'ordonnance. La procédure de mise à disposition des terrains aux investisseurs change alors ? Je tiens à préciser que la simplification de la procédure de mise à disposition des terrains, par l'intervention directe du ministère chargé de la Promotion des l'investissements qui a été habilité, par le nouveau dispositif, à autoriser les enchères, facilite l'intervention de l'Aniref. Désormais, c'est sur proposition de l'agence que les enchères publiques peuvent être engagées. Il s'agit là d'une réelle avancée car l'ancienne procédure, qui suivait un circuit plus long, pouvait retarder la mise en produit et représentait donc un écueil. S. T.