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“Le passé ne doit pas faire écran au présent”
Mohammed Harbi, historien et acteur de la Révolution, à Liberté
Publié dans Liberté le 01 - 11 - 2008

Dans cet entretien exclusif, l'historien fait la part entre le mythe et la réalité historique du 1er Novembre. Il en restitue le contexte, en souligne les risques et les promesses, mais aussi l'usage politique qu'en ont fait les pouvoirs qui se sont succédé depuis l'Indépendance. Mohammed Harbi évoque aussi ses souvenirs personnels de cet événement “fondateur et essentiel” et raconte son émotion d'alors, “partagée entre crainte et espérance”. Un témoignage exceptionnel.
Liberté : Vous avez évoqué, lors de votre dernière tournée de conférences en Algérie, les utilisations publiques et politiques de la mémoire et de l'histoire. Qu'en est-il pour le 1er novembre ?
Mohammed Harbi : L'histoire du 1er Novembre représente un moment fondateur, essentiel, de notre histoire nationale. Elle tient son statut privilégié de ce qu'elle est récit d'une subversion de huit ans de l'édifice colonial mis en place en 1830. Tous les pouvoirs que se sont succédé, depuis 1962, ont tenté de l'apprivoiser et d'en livrer une vision en fonction de leur politique. Mais tout en lui donnant l'importance qui lui convient à l'échelle de l'Algérie et du monde, il convient de ne jamais oublier qu'elle reste un enjeu de luttes sociales et de mobilisations politiques.
Aujourd'hui, la revendication démocratique, refoulée hier, a remis au goût du jour les anciennes questions de pouvoir, du jeu du politique, de la répartition du “gâteau national”, en un mot des rapports entre l'Etat et la nation. Au-delà de l'histoire célébration, de l'enregistrement des mémoires individuelles et collectives, objet d'une grande frénésie et de multiples abus, c'est l'histoire coloniale, précoloniale, mais aussi postcoloniale, qui doit être lue à la lumière de ces questions. Dans cet ordre d'idées, l'évocation du passé doit cesser de faire écran à la compréhension du présent et d'embrouiller les enjeux. Il faut donc être très vigilant à l'égard des usages du passé.
Quelle est la part du mythe et de l'histoire dans la perception actuelle de cet événement ?
Je répondrais à votre question de manière laconique. Vos lecteurs doivent savoir que l'histoire a une histoire. En Algérie, comme en France et ailleurs, histoire et nationalisme sont intimement liés. Les fondateurs du nationalisme algérien ont élaboré dans les années 1930 un “roman national” pour parer à la manipulation par le colonisateur de l'histoire. Dans les années 1950, le FLN a, à son tour, nourri ce “roman national”. Comme d'autres acteurs collectifs avant lui, ceux de la Révolution française de 1789, ceux de la Révolution soviétique de 1917, il a promis d'introduire une césure irréversible entre un “avant sans retour” et un “après”. Il a forgé le mythe d'un peuple homogène, celui d'un Etat démiurge, etc. Ces mythes ont forgé bien des rêves, mais ils n'ont pas résisté au temps.
Existe-t-il à votre sens des contrevérités historiques dans la célébration actuelle du 1er Novembre ?
Oui, sans aucun doute. Si, par exemple, on veut comprendre pourquoi Messali El-Hadj a été écarté de la conduite de la Révolution, il faut revenir à la scission du MTLD, en esquisser une cartographie à l'échelle nationale et cesser de pratiquer l'occultation des faits. Un exemple : en février 1954, Krim (Belkacem) et (Amar) Ouamrane ont appuyé Messali. En août 1954, ils ont rallié le point de vue de Boudiaf, mais leurs militants, à quelques exceptions près, ne le savaient pas. Messali, non plus, ne le savait pas. Et quand l'insurrection a commencé, ses fondés de pouvoir ont financé la Zone III (Kabylie, devenue plus tard la Wilaya III). Si on n'a pas ces données, on ne peut pas comprendre la petite guerre civile qui a opposé en Kabylie les anciens militants du MTLD.
Cette date marque-t-elle une continuité ou une rupture dans l'histoire du mouvement national ?
Il y a à la fois continuité et rupture. Les fondateurs du FLN ne sont pas des hommes nouveaux. Ils sont les héritiers, en grande partie, du MTLD. Au plan idéologique, il n'y a pas de rupture avec leur passé. Au plan pratique, en revanche, il y a eu dépassement et acceptation d'un travail commun avec leurs anciens rivaux. Mais cela ne s'est pas fait sans arrière-pensées…
Venons-en maintenant à votre position unique dans cette période historique et au sein de la Révolution. Vous avez évoqué vos souvenirs dans Une vie debout. En tant qu'homme, comment avez-vous vécu ce jour ?
J'ai appris la nouvelle par la radio. J'y étais, d'une certaine manière, préparé. Fin octobre, Lahoual Hocine et M'hammed Yazid, en transit à Paris pour se rendre au Caire, ont réuni les partisans du Comité central dont j'étais pour nous informer des suites de la scission du MTLD. À la fin de la réunion, Yazid m'a pris à part avec Larbi Madi et nous a confié qu'ils avaient pour mission de convaincre la délégation du Caire de reporter la date de l'insurrection. Et d'ajouter : “Si nous ne réussissons pas dans notre mission, prenez vos responsabilités.” Comme chez beaucoup de mes camarades, le 1er Novembre a suscité en moi la peur et l'espérance à la fois. La peur de l'échec d'abord. Ce sentiment se nourrissait de l'état de division dans lequel nous avait jetés la scission du MTLD. J'ai su plus tard que ce sentiment était aussi celui des fondateurs du FLN. Selon le professeur Lemnouar Merrouche, qui se trouvait au Caire, Ben Bella avait dit aux étudiants : “Si nous tenons six mois, c'est gagné !” De son côté, Mohamed Boudiaf a donné en 1974 une conférence aux militants du PRS*. C'est le récit le plus complet qu'il m'ait été donné d'entendre sur ce sujet. Le PRS en a tiré un texte, publié dans le numéro 15 de son journal El Jarida (n°15, nov-déc 1974), mais ce n'est qu'un résumé. Selon Boudiaf, les 22 ont décidé d'aller à la lutte armée sans savoir s'ils allaient ou non être suivis par le peuple. Il a même dit textuellement : “Cette question ne se posait pas.” Chez moi donc, la peur coexistait avec l'espérance. Et, après une brève période de flottement qu'ont connue nombre de militants, j'ai donné sa chance à l'espérance.
On a évoqué à ce sujet (vos mémoires) le terme d'ego histoire…
C'est effectivement un ego histoire, mais qui ne prend sens que dans une histoire collective, tout en gardant son caractère contingent.
Aujourd'hui, cette date est fondamentale et devrait survivre à la génération qui a fait l'indépendance. Comment, alors, enseigner aux nouvelles générations le 1er Novembre, débarrassé des scories de l'idéologie ?
Le 1er Novembre est né d'une série d'improvisations et de coups à chaud consécutifs à la scission d'un parti. Dans ses succès, comme dans ces échecs, l'expérience de Novembre reste l'une des plus fascinantes à suivre, ne serait-ce que parce qu'elle nous a inculqué le rêve du changement, ce carburant de toute révolution. L'élaboration du savoir scolaire doit s'appuyer sur la rigueur du travail historique pour donner sens à une Algérie aux multiples racines et affirmer une algérianité nouvelle, ancrée dans un Maghreb uni et où chacun reconnaîtra l'autre dans une histoire commune intégrant la diversité.
R. A.
(*) PRS : Parti de la révolution socialiste, parti fondé le 20 septembre 1962 par Mohamed Boudiaf, futur président de la République, alors dans l'opposition. Le PRS entrera en clandestinité en juin 1963 à l'arrestation de Boudiaf puis suit son leader en exil, en France et au Maroc. Son principal organe, El Jarida, publie des textes politiques et historiques de Mohamed Boudiaf. Celui-ci le dissout en 1979, après la mort de Houari Boumediene.


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