Les anciens habitants de ce village n'étaient pas seuls à cette commémoration. Les notables d'Ikhataben, de Tizi Ougueni, de Kiria, de Kebouche, et les habitants des autres douars, le P/APC de la commune et le chef de daïra d'Adekar, les anciens moudjahidine de la Wilaya III historique ont honoré eux aussi de leur présence ce rendez-vous avec l'histoire. Samedi 1er novembre 2008. 8h du matin. Le chemin de wilaya reliant la commune d'Adekar à Béni Ksila connaît un mouvement de circulation peu habituel. Une procession de véhicules. Du jamais vu dans la région. Elle sillonne monts et vallées de la localité. Des voitures immatriculées d'Alger, de Blida, de Béjaïa, Tizi Ouzou et autres régions du pays tentent de se frayer un passage, sur les chemins qui montent, pour atteindre un village, qui ne compte aujourd'hui que les décombres laissés par les paras de la force coloniale, en l'occurrence le village Hattou que ses anciens habitants avaient déserté, malgré eux, un mardi soir de l'automne de 1956, à la veille d'une incursion de l'armée française. Des enfants aux couleurs nationales, des femmes, des jeunes, des fils de chahid, des anciens moudjahidine, des rescapés témoins de la razzia coloniale, des écoliers des différents villages d'Adekar n'ont pas manqué ce rendez-vous historique chargé d'émotion et de larmes. Des notables des douars Ikhataben, Tizi Ougueni, de Kebouche, Kiria et autres villages de la commune d'Adekar, des moudjahidine de la Wilaya III, des autorités locales à leur tête le chef de daïra, M. Nourreddine Boulghalegh et le P/APC d'Adekar Idir Hamour sont venus tous marquer une halte historique et assister au retour, avec en sus une bienvenue, des anciens habitants dans leur douar natal, Hattou. “De l'histoire de la commune d'Adekar, on n'a jamais réuni autant de citoyens de la localité pour commémorer un 1er Novembre 1954. Le village Hattou a drainé une foule nombreuse. Je peux dire sans exagérer que 2 000 personnes sont présentes aujourd'hui pour accueillir le retour des anciens habitants de douar. Pour moi, c'est un évènement historique”, a fièrement clamé le P/APC d'Adekar M. Idir Hamour. L'évènement coïncide avec l'inauguration de la stèle commémorative des chouhada du village Hattou qui sont au nombre de dix, et qui marque du coup le retour officiel des anciens habitants de ce douar, 46 ans après l'Indépendance. Après un accueil chaleureux des invités et la levée des couleurs nationales, sur fond d'hymne national, le représentant de l'association du village Hattou, maître Hacène Houchati prend la parole pour rappeler le combat mené par l'organisation de la reconstruction du village pour en arriver à ce jour-là. Des anciens moudjahidine de la Wilaya III se relaient à la tribune de circonstance pour souhaiter la bienvenue aux anciens habitants du village martyre et témoigner des moments forts qu'a vécus ce douar. S'ensuit l'intervention du chef de daïra qui a présidé officiellement ces festivités commémoratives. “Je vous prie d'abord de nous incliner à la mémoire de ce village. Je serais fier d'accepter d'être un de vos fils, c'est une fierté d'appartenir à un village aussi glorieux que celui des Hattou. Je m'engage à aider à reconstruire ce village. On a oublié un village pendant 46 ans”. Cette reconnaissance des autorités a rassuré la population qui a échappé à la razzia coloniale, pour retourner à sa terre natale et reconstruire son village. Pour sa part, le P/APC n'a pas raté cette occasion pour réitérer et exprimer sa disponibilité à poursuivre cette noble mission. “Je me suis lancé un défi pour que le village Hattou renaisse de ses cendres.” Le dynamique Hacen Houchati, qui n'a ménagé aucun effort pour réussir cet évènement historique, présente à l'assistance un rescapé de la razzia coloniale en l'occurrence Hadj Belkacem Hattou, aujourd'hui âgé de 75 ans, pour rappeler succinctement ce qui s'était passé ce jour-là en 1956. Très ému et ne pouvant retenir ses larmes, Hadj Belkacem Hattou a rappelé, la gorgé nouée, ce qui s'était passé ce jour-là en 1956. “Les habitants de ce douar ont donné ce qu'ils ont eu de plus cher à la révolution algérienne. 10 chouhadas. Moi, modestement, j'ai remis aux moudjahidine un pistolet et un fusil de chasse. Il faut rappeler que la population du douar des Hattou échappa de justesse à une descente de l'armée coloniale. Tout a commencé après l'assassinat d'un colon français, Diland à Adekar, un mardi, jour de marché hebdomadaire. Les militaires français après avoir exécuté au poteau des dizaines d'innocents, décidèrent d'effectuer une razzia dans le village Hattou, pour venger le sang de Diland, à la demande de l'épouse de ce dernier. Cette dernière avait même exigé du commandant du bataillon d'Adekar d'exterminer les familles Hattou, Zenad et Baâira pour venger le sang de son mari. Ce jour-là, les paras m'ont torturé durant toute la journée. C'est suite à cela, que les habitants du village n'ont pas eu d'autre choix que prendre la fuite. Bébés, enfants, femmes, vieux, vieilles, avaient pris le chemin de l'exode et on a tout abandonné, nos terres, nos maisons”, a témoigné Hadj Belkacem sans pourvoir retenir des chaudes larmes. Un membre de l'association, né dans ce village martyre, a saisi l'opportunité de la présence du chef de daïra sur les éventuelles aides de l'Etat pour reconstruire le village. La proposition de reconstruire la mosquée, comme un point de part, a vite emballé le chef de daïra. “Cette proposition est très intéressante. Je ne vois aucun inconvénient pour accéder à votre demande. En effet, la reconstruction de la mosquée pourra être comme un point de rayonnement sur le village, en attendant d'autres actions…” Les familles Bala, Bahloul Houchati, Hattou, Mekkis, Bayakli, formant le village martyr Hattou ont témoigné de leurs remerciements aux autorités locales, notamment les membres de l'assemblée communale, le chef de daïra et les services de sécurité. H. H.