Vingt et un mille habitations, entre logements et chalets, devraient être prêtes à la fin de l'année. Le Chef du gouvernement a dévoilé, hier, devant les membres du Conseil de la nation, le plan gouvernemental de relogement des sinistrés du séisme du 21 mai. “Les engagements du président de la République sont ceux du gouvernement et ils seront tenus dans les délais ; nous ne faisons pas dans la démagogie, pas plus que le chef de l'Etat ne fait de campagne (électorale)”, a affirmé sur un ton solennel Ahmed Ouyahia qui répondait aux interpellations de 44 sénateurs. En gros, ce plan consiste à octroyer au moins 21 000 habitations, entre logements et chalets, à la fin de cette année, aux premiers groupes des 167 000 victimes recensées jusque-là. Le gouvernement va récupérer 6 000 logements sociaux dont la réalisation devrait s'achever avant la date annoncée du relogement, “les bénéficiaires initiaux devront faire preuve de patience, mais ils peuvent être sûrs qu'ils auront leurs appartements, avec juste un peu de retard”. Ouyahia a révélé avoir passé un accord avec 14 entreprises algériennes pour la production de 2 250 chalets par mois, “le chalet n'étant pas une habitation définitive puisque, au maximum en mai 2005, plus personne ne résidera dans un chalet”. Les wilayas de Boumerdès et d'Alger ont dores et déjà dégagé respectivement 24 et 11 sites pour le placement de 4 000 et 5 000 chalets. Le Chef du gouvernement a indiqué que 25 000 tentes ont été installées à la date du 6 juin (contre 11 000 au total à Chlef lors du tremblement de terre d'octobre 1980) et près de 1 800 000 repas — chauds — distribués au profit des sinistrés. Les services du contrôle technique ont recensé au moins 12 000 habitations totalement effondrées ou à détruire du fait des menaces d'effondrement qui résultent du séisme : le gouvernement aura donc à reconstruire autant de logements. Le CTC a, par ailleurs, expertisé près de 21 000 autres habitations susceptibles d'écroulement ou de gros travaux de réfection, alors que les demeures légèrement touchées sont de l'ordre de 30 000. Ahmed Ouyahia, dans un mélange d'arabe classique et populaire et de français, a déclaré devoir tirer des enseignements majeurs de cette catastrophe. Le plan du gouvernement à ce sujet, décidé lors du Conseil des ministres du 29 mai, comporte quatre volets dont trois sont à effet presque immédiat. Il en est ainsi de la révision radicale du plan Orsec (organisation des secours) et de l'amendement de la loi relative aux assurances (rendre celles-ci obligatoires pour tous). Aussi, les catastrophes majeures (tremblements de terre et inondations notamment) seront-elles considérées comme une atteinte à la sécurité de la nation. “Cela nécessite la mise en place, rapidement, d'un appareil ou d'un corps spécial doté de stocks de sécurité suffisants. Ce corps, qui sera opérationnel dès cette année, aura la charge d'intervenir dans ce genre de catastrophe. À ce titre, le Fonds des calamités naturelles verra son budget augmenter à dix milliards de dinars dans la loi de finances complémentaire”, a fait savoir Ouyahia. Ce dernier vient de charger son ministre de l'Aménagement du territoire, Cherif Rahmani, de former un comité d'experts (y compris des Algériens établis à l'étranger, comme Mustapha Meghraoui, de l'Institut français de Strasbourg, ou Omar Khemici, de l'Université américaine de Stamford, dans l'Etat de Connecticut) pour réfléchir à une politique d'aménagement territoriale et de carte sismique afin de prévenir et se préparer de meilleure manière à faire face aux calamités. Pas de “superministres” Le Chef du gouvernement a réfuté la thèse selon laquelle il y aurait des ministres au-dessus de la mêlée au sein de son équipe, héritée de l'ère Ali Benflis, son prédécesseur. “Je suis en face de vous au nom d'un parti qui s'appelle l'Algérie ; et, dans ce parti, il n'y a pas de place au particularisme comme il n'y a pas de superministres”, a clamé Ahmed Ouyahia devant les membres attentifs du Conseil de la nation. Dans la matinée, deux représentants du FLN et du RND ont pourtant failli en venir aux mains. Il a fallu la dextérité de Abdelkader Bensalah pour ramener le calme. Ouyahia veut en fait briser cette image d'un gouvernement où le chef de l'Etat aurait le pouvoir de décision grâce à “ses” intouchables ministres ; les mêmes qui ont souvent sapé, par leurs déclarations hasardeuses surtout, les actions de l'Exécutif. L'esprit de l'unicité s'en trouve en tout cas bien gardé, malgré le discours franc et direct du secrétaire général du RND. “Khalifa, oui ; et la BCIA ?” “Je redis ici que Khalifa est un rêve brisé. Le cas relève aujourd'hui de la psychiatrie : comment des gestionnaires (de grandes entreprises) ont-ils pu être et à ce point bernés ?”, a commenté Ouyahia. Tous ces gens doivent rendre des comptes, a-t-il insisté. Mais il ne s'est pas arrêté là. D'autres banques sont, d'après lui, dans la même situation. Il a nommément cité l'exemple de la Banque du commerce et d'industrie d'Algérie (BCIA) “qui finance l'import-import. Alors s'il faut encore retirer des agréments, on les retirera”. Un trou de sept milliards de dinars a été découvert dans les comptes de cette banque. Ahmed Ouyahia a enfin confirmé le gel par le président de la République de la loi relative aux hydrocarbures à la fin 2002. Il a également réaffirmé le caractère irréversible de la liberté de la presse et du pluralisme médiatique. L. B.