“Quand on est voisin avec un pays connu pour être producteur et fournisseur à hauteur de 60% de cannabis à l'échelle mondiale, le risque est toujours grand”, soutient Abdelmalek Sayeh, interrogé sur le degré de coopération du royaume dans la lutte contre la drogue. Le constat et le bilan établi par le directeur général de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie sont alarmants. En marge de la réunion des membres du réseau euroméditerranéen de lutte contre les stupéfiants tenue, hier, au Cercle de l'armée de Béni-Messous, Abdelmalek Sayeh a indiqué qu'au 30 septembre dernier, 18 tonnes de drogue ont été saisies par les différents services de répression sur le territoire national et que l'on s'attend à environ 23 tonnes récupérées à la fin de l'année. Durant la même période, 90 000 comprimés psychotropes ont été également interceptés dont 84 000, destinés à l'exportation, l'ont été au niveau des frontières. Le risque est que plus la lutte contre les stupéfiants est efficace au niveau des frontières, plus sont importantes les chances de voir les narcotrafiquants écouler leurs marchandises exclusivement sur le marché local. La même crainte est exprimée pour ce qui est de la cocaïne, produit léger et facilement transportable et dissimulable contrairement au cannabis. “S'ils ne peuvent plus faire sortir leur marchandise, cela sera une catastrophe pour le pays. Les comprimés psychotropes ne sont pas chers et à la portée de tous. C'est un véritable problème de santé publique. Les narcotrafiquants pourraient également se rabattre sur le marché algérien pour le vente du cannabis”, souligne Abdelmalek Sayeh. 60 000 toxicomanes algériens recensés, ce n'est, selon lui, que la face visible de l'iceberg en l'absence de centres spécialisés de prise en charge qui seront mis en place d'ici à la fin de l'année ou, au plus tard, début 2009. Ces 15 centres de désintoxication, 53 centres intermédiaires et 185 cellules d'écoute nous permettront de nous rapprocher plus de la prévalence réelle de ce fléau, dit-il. Leur mise en fonction coûtera 300 milliards de centimes à l'Etat. Les comprimées psychotropes “nous parviennent de l'étranger et les investigations autour de ces réseaux ne sont pas faciles à mener” du fait que leurs membres utilisent des noms d'emprunt et se divisent en petits groupes de trois à quatre personnes. Le directeur général de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie fait part, par ailleurs, de l'arrestation de 17 000 consommateurs et 5 000 dealers durant l'année en cours et pense qu'on dépassera de loin d'ici à la fin 2008, le nombre de 23 000 personnes impliquées dans des affaires liées à la drogue. “Entre 200 et 250 personnes” originaires du Burkina Faso, du Nigeria et du Mali ont été également arrêtées dans le même cadre. “Quand on est voisin avec un pays connu pour être producteur et fournisseur à hauteur de 60% de cannabis à l'échelle mon-diale, le risque est toujours grand”, soutient Abdelmalek Sayeh qui interrogé sur le degré de coopération des autorités royales, marocaines dans la lutte contre la drogue, il répond que la volonté politique existe, mais pour ce qui est de l'entraide effective, il préfère s'abstenir de s'enliser dans ce terrain. Dressant une cartographie de trafic de drogue en Algérie, il soutient que l'activité des narcotrafiquants est plus intense à l'Ouest précisément à Oran, puis vient Alger, Chlef, Blida. Il avance qu'il existe une connexion organique entre les réseaux de drogue et les groupes terroristes, sans donner plus d'indications sur le sujet. À noter que le réseau méditerranéen de coopération sur les drogues et les addictions a été créé, il y a deux ans, pour promouvoir l'échange d'informations et de connaissances entre pays du pourtour méditerranéen et pays membres du Groupe Pompidou. Il comprend huit pays. En l'occurrence l'Algérie, l'Espagne, l'Italie, la France, le Liban, le Maroc, le Portugal et la Tunisie. La rencontre d'hier avait pour objectif d'évaluer les actions entreprises pendant 2008 et tracer le programme de 2009. Une formation au profit des cadres de la police, de la gendarmerie, des douanes mais également de magistrats, initiée par les même partenaires, commencera aujourd'hui à l'Ecole supérieure de police de Châteauneuf. Nissa hammadi