Une première : un diplomate étranger, tunisien, est dans le box des accusés dans un tribunal français depuis hier pour des tortures qu'il aurait commises dans son pays sur une de ses compatriotes. Khaled ben Saïd, ancien vice-consul de Tunisie à Strasbourg, comparaît en son absence devant les assises du Bas-Rhin, à Strasbourg, pour “actes de torture et de barbarie par personne dépositaire de l'autorité publique”. Des faits passibles de 20 ans de réclusion. L'affaire a été déclenchée par la Tunisienne Zoulaïkha Gharbi, qui a déposé une plainte dans ce sens en 2001. Et, cerise sur le gâteau, son avocat a également cité comme témoins le président tunisien Zine el Abidine Ben Ali, au pouvoir depuis 21 ans, ainsi que l'ambassadeur de Tunisie en France et l'actuel consul de Tunisie à Strasbourg. Le procès s'est ouvert après que le président français eut réactivé la loi de “compétence universelle”, qui a résulté d'une convention de l'ONU contre la torture de 1984, ratifiée par la France en 1987 qui l'a intégrée dans son code pénal en 1994. En fait, c'est la deuxième fois que la justice française fait usage de cette disposition, permettant de poursuivre en France, même si aucun protagoniste n'est français et que les faits se sont déroulés hors de son territoire. Lors de la première application de cette loi, un officier mauritanien subalterne, Ely Ould Dah, avait été condamné par contumace à dix ans de réclusion en 2005 à Montpellier pour des tortures dans son pays. Cette fois, la justice française a mis dans son collimateur un diplomate, fut-il à la retraite, car c'est pour des faits qu'il aurait commis lorsqu'il était en fonction. Il faut souligner que le procès est soutenu par la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), qui entend s'en servir pour illustrer le fait que, selon l'ONG, la torture est généralisée dans le régime tunisien. Les faits examinés à Strasbourg se seraient produits dans le commissariat de la localité tunisienne de Jendouba, où la plaignante avait été conduite le 11 octobre 1996 après le départ en France en mai 1996 de son mari. La plaignante affirme avoir été giflée par Khaled ben Saïd, puis avoir été livrée à d'autres hommes, qui l'auraient suspendue à une barre de fer entre deux tables, puis frappée, notamment sur les seins et les parties génitales. L'interrogatoire aurait visé à lui faire révéler des informations sur son mari Mouldi Gharbi, membre d'un mouvement islamiste interdit, El Nahdha. Zoulaïkha, qui a rejoint son compagnon en France où il s'était réfugié, a porté plainte contre Khaled ben Saïd en apprenant que celui-ci était en poste à Strasbourg. L'ancien vice-consul a fui Strasbourg le 15 février 2002 et travaillerait toujours pour le ministère de l'Intérieur de son pays. Un mandat d'arrêt international a été lancé contre lui. Il est représenté au tribunal par son défenseur, un avocat français. Pour la FIDH, le procès en France d'un diplomate étranger pour crime qu'il aurait commis chez lui, est “un signal donné aux tortionnaires du monde entier”. Le président français est dans l'embarras, lui qui pourtant avait promis lors de sa campagne électorale de faire la chasse aux dictateurs. D'ailleurs, le courant ne passe plus entre lui et son égérie des droits de l'homme, une Française de couleur d'origine sénégalaise que Bernard Kouchner, son ministre de tutelle, prend plaisir à descendre. D. Bouatta