Dimanche 4 janvier 2009, un timbre a été émis à l'effigie de Louis Braille. Le 17 janvier 2009, grâce à L'Association nationale des éducateurs spécialisés pour aveugles (Anesa), de concert avec l'ambassade de France, sera célébré le bicentenaire de la naissance de Louis Braille, cet homme au destin hors du commun. Il faut donc remercier l'entreprise Algérie Poste et l'artiste Ali Kerbouche pour cette initiative qui, par-delà l'enrichissement des collections des philatélistes, représente une action hautement symbolique eu égard à notre patrimoine culturel national. Algérie Poste vient, en effet, de consacrer pour le compte de l'Algérie, en intégrant grâce au timbre émis au corpus de ce patrimoine, le travail inestimable de celui qui, en quelque sorte, est venu rétablir une certaine lumière au profit des non-voyants que nous sommes. Il est fort à parier que n'étaient les actions d'Algérie Poste et de l'Ansea, un tel évènement serait passé inaperçu. Et pourtant ! Quel progrès formidable Louis Braille a-t-il accompli qui n'aura vécu que 44 ans (1809-1852), mais qui a tout investi pour rendre un immense service à l'humanité toute entière. Lui-même devenu aveugle à la suite d'un accident qui l'affecte dès son enfance, il n'aura de cesse de songer à un moyen d'écriture qui permettrait, enfin, aux aveugles d'avoir un plus large accès à l'information et à la connaissance. Il y avait, certes, le procédé de Valentin Haüy, mais il s'avéra, très vite, contraignant parce que nécessitant beaucoup trop de place pour la lecture comme pour l'écriture. C'est un officier en retraite de l'armée française, le capitaine Charles Barbier de la Serre, soucieux de faciliter l'enseignement des jeunes aveugles, qui met Louis Braille sur la voie en proposant un système d'écriture à usage nocturne. Louis Braille, après de nombreuses recherches, y puisera son idée des six points qui lèvera, du même coup, la difficulté de la correspondance des lettres nouvellement trouvées avec celles du système d'écriture dite normale et la difficulté de la reconnaissance immédiate par le doigt du signe à déchiffrer. Après plusieurs tentatives, l'invention de Louis Braille est adoptée définitivement en1837, et dès lors son application s'étendra à tous les domaines du savoir, y compris, aujourd'hui, à l'informatique et aux jeux de société. Cette invention porte désormais le nom de son auteur (le braille). Or, et par un biais franchement inattendu, Louis Braille apporte un nouveau témoignage de ce caractère intemporel et inépuisable de cette idée proprement révolutionnaire, à l'œuvre depuis plusieurs millénaires et sans laquelle ni l'histoire ni la communication, dans l'acception la plus forte de ce terme, n'auraient de sens : Il s'agit de l'écriture. Aussi, le braille n'est-il pas une écriture, comme d'aucuns pourraient le penser, mais simplement un système d'écriture impossible à imaginer sans l'idée originelle d'il y a plus de 5 000 ans. Ainsi, le braille constitue-t-il pour les personnes atteintes de cécité, notamment les enfants, cet outil incomparable qui va enfin pouvoir les aider à creuser leur propre sillon dans un monde où, précisément à l'époque qui voit l'adoption définitive du système braille, on assiste à l'émergence d'un futur qui entend conférer une place prépondérante au savoir sous tous ses aspects. Il va sans dire que pour ce faire, l'éducation et la formation deviennent des passages obligés pour toute personne désireuse de prendre ce train du futur, a fortiori les personnes atteintes de cécité. Depuis et grâce, encore une fois, à Louis Braille, ces personnes, dans tous les pays où son système a été admis et propagé, ont elles aussi apporté leur contribution au développement de la société, sans négliger aucun des domaines de l'activité de l'homme depuis l'artisanat jusqu'aux sciences les plus abstraites, exceptés ceux où la présence de l'œil est indispensable. En Algérie, le braille a été introduit pour l'enseignement des aveugles, enfants et adultes, en 1926. Cet enseignement a été dispensé, jusqu'à l'indépendance, au sein de l'unique établissement pour toute l'Afrique du Nord situé au quartier de la Scala sur les hauteurs d'El-Biar. Aujourd'hui, outre les écoles réparties sur le territoire national et les possibilités de formation professionnelle offertes à ceux ou à celles qui le souhaitent, les personnes atteintes de cécité ont également accès à l'université, à l'instar des autres personnes voyantes. C'est dire que le braille a non seulement été l'instrument insoupçonné pour jouir des bienfaits de l'éducation et de la formation mais, plus encore, un puissant moteur d'intégration, voire d'assimilation des aveugles dans les sphères économique, sociale et culturelle. Pour ajouter un mot, quant à notre propre pratique du braille, il n'est que d'essayer de faire partager aux lecteurs ce sentiment jamais altéré : à chaque fois que l'on écrit ou qu'on lit en utilisant ce système, c'est le génie toujours renouvelé de son inventeur qui se manifeste à nous pour nous émerveiller davantage. Que dire enfin de son adaptation inouïe à l'informatique et donc aux technologies de l'information et de la communication : les six points déjà évoqués sont ici une source intarissable de possibilités pour un accès encore plus affirmé à ce monde qui, à défaut de nous fasciner de l'extérieur, nous fascinerait de l'intérieur. Parmi les nombreux hommages qu'il faut rendre à Louis Braille, il y a celui d'avoir élevé la générosité à sa dimension historique. Une telle générosité ne pouvait jaillir que du cœur de Louis Braille. Rachid AKACHE Consultant au Musée national des beaux-arts et professeur de philosophie