Nadia Khouri-Dagher, une Libanaise née au Caire, vit depuis plus de 30 ans en France. Docteur en économie du développement et diplômée de l'ESSEC, elle s'est penchée depuis de longues années sur l'étude du monde arabe et des pays du Sud. Journaliste, nomade, ayant vécu en Tunisie, au Ghana et en Egypte, elle raconte dans son ouvrage, d'une manière simple, spontanée et parfois comique, comment on apprend à devenir Français, tout en restant imprégnée de sa culture d'origine qu'on agrémente de piments d'ici et d'ailleurs, qu'on puise là et qu'on sème là-bas. “Je suis née Arabe. Je suis Française aujourd'hui. Nous sommes des millions, émigrants, enfants d'émigrants, venus d'Algérie, du Maroc, du Vietnam, de Pologne, d'Italie ou du Mali, à vivre ainsi en France notre double identité, notre double appartenance. Moi, je viens du Liban.” C'est ainsi que Nadia commence son périple de chroniques sous forme d'abécédaire où chaque lettre renvoie à un mot du quotidien de chacun d'entre nous. Nous tous qui formons ce qu'on appelle l'espèce humaine, quelle que soit notre origine ethnique. Qu'il soit Malien, Tunisien, Algérien, Français, Italien ou autre, l'homme vit ces mots. En partant de la lettre a, comme accent, pour arriver à z, comme zut, elle chevauche, tantôt le sourire dessiné au coin des lèvres par un doux souvenir, tantôt une larme retenue par un cil par une triste pensée, entre Algérie, Beaujolais, hammam, nostalgie, parents, religion, tradition… et plein d'autres mots qui sont là pour témoigner d'un partage universel qui dirait que nous sommes “tous parents, tous différents”. L'auteure raconte comment l'émigrant apprend, par la force des choses, à “devenir Français”, tout en restant attaché à ses racines, à défendre ses origines. Elle dit vouloir utiliser le terme “émigrants” car, en le prononçant, elle entend “éloignement, exil, évasion, envolée, échappée, espoir”, alors qu'“immigrés, cela sonne comme immiscés, immergés, emmerdants”. Nadia n'aime pas le mot intégration et préfère parler de fusion ou d'union. Elle refuse le mot réconciliation qui signifierait qu'il y aurait eu séparation. Elle dit que son livre n'est pas un livre de combat, France contre là-bas, ou Orient contre Occident, mais plutôt un livre de rencontres et d'échanges. Un livre qu'on devrait lire pour savoir ce que veut dire être un Français à double culture, et comprendre que hammam et Beaujolais ne doivent pas forcément fusionner mais au moins savoir cohabiter… Samira Bendris “Hammam et Beaujolais” de Nadia Khouri-Dagher, coédition Zellige (Paris) et Lazhari Labter (Algérie), Alger 2008