Dans cet entretien, le premier responsable des Domaines présente les principales dispositions de la nouvelle ordonnance en matière de foncier industriel, aborde le phénomène de rareté des terrains à l'origine de la hausse des prix de l'immobilier et les efforts entrepris en matière de cadastre. Liberté : Quelles sont les nouveautés du dispositif institutionnel en matière de foncier industriel ? Mohamed Benmeradi : On était resté pendant une longue période sans dispositif. La situation était assez floue. Une circulaire sur les Calpi organisait le foncier. Mais il y avait beaucoup de flou. Ce dispositif manquait de transparence. Les cessions s'effectuaient de gré à gré. L'ordonnance du 30 août 2006 est venue mettre de l'ordre. La concession était la règle générale. Les enchères publiques étaient prévues dans les wilayas du Sud et les communes déshéritées des Hauts-Plateaux. Des textes d'application ont été également promulgués sur les actifs résiduels des entreprises dissoutes et les actifs excédentaires des entreprises publiques. Une disposition de la loi de finances 2003 permettait la récupération des actifs excédentaires des entreprises publiques. La nouvelle ordonnance de 2008 introduit une grande innovation. Les concessions ne sont plus convertibles en cessions (prévues dans l'ordonnance de 2006). La concession est établie pour 33 ans avec possibilité de renouvellement deux fois. La seconde règle systématique est la vente aux enchères publiques. Il n'y a plus de gré à gré. Le gré à gré est toutefois autorisé pour des projets d'importance nationale, susceptibles de créer de l'emploi. Le dossier doit être approuvé dans ce cas par le Conseil national de l'investissement. Il doit recevoir ensuite le feu vert du Conseil des ministres. Le bénéficiaire de la concession est propriétaire des constructions, infrastructures ou unité de production qu'il a réalisés sur le terrain. Il doit payer une redevance locative annuelle qui est révisée tous les 11 ans. Le prix de la location est déterminé par le marché. La mise à prix, lors des enchères, est établie selon la valeur locative fixée par le marché. Par exemple, lors de cessions à Béni Mered, la mise à prix de terrains cédés aux enchères était de 5 000 DA le mètre carré. Le terrain a été cédé à l'issue des enchères à trois fois son prix. Nous avons mis, du reste, des garde-fous en cas d'inexécution des engagements. On attend les textes d'application pour mettre en œuvre le nouveau dispositif. Deux décrets sont au niveau du secrétariat général du gouvernement. Un décret sur les concessions aux enchères, le second sur les actifs excédentaires des entreprises publiques et les actifs résiduels des entreprises dissoutes. Ce nouveau dispositif privilégiant les ventes aux enchères est contesté par les opérateurs qui considèrent que le texte favorise la cherté des terrains offerts… Cela vaut lorsqu'il s'agit de petits projets. Mais pour les projets industriels, les grands projets, le prix du mètre carré ne constitue pas un obstacle. La rentabilité du projet évacue la contrainte du prix. En particulier, on constate que des sociétés étrangères trouvent des terrains. Quelle est la disponibilité en matière de foncier industriel actuellement ? L'Etat est en train d'épuiser son portefeuille foncier. Depuis 1970, 100 000 hectares ont été transférés de l'Etat vers la sphère économique publique ou privée. Nous avons aujourd'hui 12 000 hectares disponibles dans 70 zones industrielles et 8 000 hectares dans les zones d'activités. L'offre disponible est au total de 20 000 hectares. Les dossiers pour l'attribution de terrains aux investisseurs sous forme de concessions sont traités au niveau des wilayas par les Calpref, qui ont remplacé les Calpi. Force est de constater aujourd'hui que les terrains attribués dans les zones industrielles et les zones d'activités ne sont pas utilisés à 100%. Le foncier est ainsi mal occupé. On a dans certains cas des terrains utilisés à d'autres fins que l'investissement, des terrains en friche… Dans la wilaya d'Alger, on fait face à une pénurie de terrains. Les domaines ont dû en particulier recourir à des acquisitions de terrains auprès du privé pour la réalisation d'infrastructures scolaires pour le compte du ministère de l'Education nationale. Quel est le bilan aujourd'hui de la liquidation des EPL ? Les opérations de liquidations ont débuté en 1994. En guise de bilan de ce processus, quatorze ans après, on enregistre 723 entreprises publiques dissoutes. Ces entreprises employaient 115 000 salariés. Les travailleurs ont été soit mis à la retraite soit constitués en collectifs pour reprendre une partie de ces actifs. 11 000 travailleurs ont constitué des sociétés de salariés. La valeur des actifs récupérés à l'issue des liquidations a atteint 43 milliards de dinars, 11 milliards de dinars résultant des ventes des actifs publics, 16 milliards de dinars ont été rétrocédés aux travailleurs, 3 milliards aux organismes publics ADS et Cnac. Il reste à peu près 6 milliards d'actifs résiduels. Les grandes surfaces, Galeries et Souks El-Fellah, elles, ont été cédées dans leur quasi-totalité (institutions publiques, opérateurs.) Le restant a été attribué dans le cadre de l'opération de réalisation de 100 locaux par commune entrant dans le plan de relance 2005-2009. Au total, on a enregistré la création de 950 sociétés de salariés, employant 11 000 travailleurs, soit 10 salariés par entreprise. Votre dernier mot… Le nouveau dispositif sur le foncier industriel instaure la transparence en matière d'accès au foncier, mais la grosse faiblesse reste la gestion du cadastre. Au rythme de ces quinze dernières années, on doit terminer le cadastre de tout le pays dans les 20 prochaines années. La France a terminé son cadastre en un siècle. Mais grâce à la photo satellite, nous allons pouvoir faire le cadastre de 200 millions d'hectares, correspondant au sud du pays en deux ans. Le nord du pays est couvert par le cadastre à 75%. On pense terminer la couverture de tout le nord du pays dans cinq ans grâce à la photo satellite. Ce travail permettra une connaissance précise de la propriété immobilière en Algérie. K. R.