Jeudi, 9h30, sous le ciel légèrement gris mais menaçant, le périmètre de la coupole du 5-Juillet qui sent l'herbe humide est déjà sous haute surveillance. Un premier bouclier de police filtre la circulation et les accès soumis à un strict contrôle. Ne seront, quelques heures plus tard, autorisés à y accéder que les porteurs de badges. Autour de la coupole, sur les courbes, de grandes banderoles portant photo et nouveau slogan du président Bouteflika annoncent l'événement : “Une Algérie forte et sereine. Bouteflika 2009”, sur fond bleu. Le bleu qui accompagnera sa candidature. Retour sur les lieux. Il est midi passé de 30 minutes. Le dispositif n'a pas changé. Sans nervosité, même si les policiers semblent sur les dents. Passé le premier bouclier, le contrôle est assuré par des agents en civil, pointilleux. À proximité des entrées de la coupole, il y a déjà du monde. En grappes éparses, toutes avec, accroché sur la poitrine, un badge, des personnes et personnalités discutent, parfois à haute voix… L'ambiance ressemble à une fête. Pour chaque catégorie d'invités est prévue une entrée. Nouveau contrôle avant d'accéder à la salle ovale où les différences catégorielles ne sont plus de mise. Hormis les “supporters” flanqués de tee-shirt blanc portant le logo du jour, mis au balcon, et casquette aux mêmes couleurs. En bas, mélange des genres. On retrouve, côte à côte, sur le même rang, homme politique, patron, journaliste, artiste, athlète… mélange qui sied bien à la circonstance qui veut que l'annonce soit sous le thème du rassemblement de “Tous les Algériennes et Algériens”. La salle est déjà pleine, les couloirs grouillant de monde. Elle est scindée en deux demi-cercles séparés par un couloir bleu, menant d'une entrée jusqu'à la scène. Tout autour, de forme circulaire épousant les murs de la salle, est placé un large ruban bleu portant le slogan, la photo et le croquis d'une colombe en envol. Le même décor, mais en virtuel tournant en boucle, sera installé sur les côtés du plafond. Il sera activé dès l'annonce de candidature. On contourne la salle qui suit la diffusion sur des écrans géants des extraits de discours du Président entrecoupés par des “aperçus” des chantiers du programme du mandat 2004-2009. Plusieurs députés, sportifs, patrons ont déjà pris leurs places. Dans une partie du premier rang, on remarquera des membres du bureau du RND, le patron de l'UGTA, Sidi-Saïd, Si Affif du FLN, l'ancien footballeur de l'équipe du FLN, M. Maouche, l'ancien chef du gouvernement, Belaïd Abdesselam, l'ancien chef d'état-major de l'armée, le général Mohamed Lamari avec toujours sa moustache fournie mais blanche… De l'autre côté, des ministres surtout. L'absence d'Ahmed Ouyahia et de Zerhouni est relevée par tout le monde. Le lieu continue de se remplir alors que certains cherchent désespérément une place. Les décibels continuent aussi d'envahir la salle qui s'anime davantage. On poursuit, par curiosité instinctive, de chercher des têtes connues. Réda Hamiani, président du FCE, fait son entrée. Il est vite entouré. Il accepte même de poser pour une photo souvenir. Le patron de la Protection civile, le colonel Lehbiri, veut se faire discret lorsqu'il entre, mais ne passe pas inaperçu. HHC fait des va-et-vient. Mais il est discret. Khaled Bounedjma (SG de la Cnec) fait le tour de la salle, annonce sa conférence de presse pour samedi (quel samedi ?) où il dénoncera les opportunistes, ses détracteurs. “Que celui qui a le gabarit (la taille, dit en arabe) vienne l'approcher”, menace-t-il. Ce qui n'est pas le cas de son “ennemi”, Tayeb El-Houari, resté silencieux au premier rang. Le temps passe, comme chronométré par les images diffusées sur les écrans jusqu'au moment où le discours cède à la musique. Kabyle, est, ouest… tous les genres appelant à voter Bouteflika. L'ambiance s'accélère. Puis tout s'arrête. Le frère du Président est aperçu à l'entrée. Signal que le candidat est arrivé. Tout le monde se lève pour voir Bouteflika longer le couloir bleu agrémenté de deux rampes illuminées d'un bleu atténué. Applaudissements et youyous fusent dans toute la salle. Il est 14h25. Après un léger calme, Bouteflika lance son discours. Il aurait aimé que la présentation soit faite par le président de l'ONM, Saïd Abadou, mais celui-ci a décliné l'invitation, prétextant le poids et la charge de cette “tâche”, confie Bouteflika qui enchaîne directement en rappelant son programme, ses deux mandats, ses chantiers, ses engagements, ses réalisations, son passé militant. Exposé des motifs ; l'assistance retient son souffle. Les spéculations autour des doutes sur sa candidature ont fait effet. Lourd instant de silence. Il est 14h51. Il annonce enfin sa candidature. La salle s'enflamme. “Répète-la !” scande-t-on. Il s'y exécute par trois fois. “Je suis candidat indépendant”, précisera-t-il avec insistance. Le discours s'achève sur un air raï de Cheb Mami avec lancer de ballons et confettis sur fond de jeu de lumières à dominante bleue. Enfin, le candidat a réussi son show à l'américaine. Grandiose spectacle. À la sortie, on croise les “têtes” qu'on a ratées, dissimulées dans la foule au départ. L'athlète Saïd-Guerni Djaber, la chanteuse Zahouania qui a refusé tout commentaire, se contentant de son soutien à un troisième mandat, le chanteur Boualem Chaker tout en sourire, plusieurs ministres, les présidents de club, Serrar, et en groupe Menadi et l'ancien du Nahd, Lahlou, le patron de la CGEOA, Naït Abdelaziz, des responsables du FLN, notamment Abada aux anges. Belkhadem livre ses impressions, suivi par Tayeb Louh… Belayat aussi qui n'a pas arrêté de sourire de satisfaction, lui qui est resté silencieux durant la cérémonie. La foule se disperse lentement entre les cliquetis des appareils photos. Tout le monde se prête au jeu. Plus loin, le ciel gris et lourd rappelle qu'il est encore là. Il menace avec quelques gouttes, sans plus. Le pari est réussi pour les organisateurs qui avaient promis de l'originalité et de la surprise. Qu'en sera alors la campagne ? Se mettra-t-elle à “l'heure et au modèle” US ? Djilali Benyoub