Cette matinée de mercredi ne fait pas exception par son calme à La Madrague. Du port à la grande plage rien ne trouble la quiétude des lieux sinon quelques sardiniers retardataires dont le moteur est encore en marche. Normal pour une ville à longueur d'année couche-tard bien que ses habitués soient, depuis une dizaine de jours, encore sous le choc de la décision de fermeture prononcée par les services de la wilaya concernant certains restaurants du coin à l'exemple du réputé Sauveur. Sur le rideau baissé de cet établissement on peut lire la notification précisant la fermeture pour soixante jours, délai donné au propriétaire pour régulariser sa situation administrative vis-à-vis des services concernés. Un peu plus haut, sur la corniche, la grille d'El Yasmina porte la même notification pour le motif de servir de l'alcool sans autorisation en dehors des repas. En face du restaurant, deux hommes, la soixantaine, dans une voiture en stationnement, semblent intrigués par notre présence. Pour dégoupiller la causette nous demandons pourquoi l'établissement est fermé. “Vous voyez bien que c'est eddawla.” Nous prenons congé d'eux avec une invitation au Grisbi. Retour vers le port où un autre invétéré a, l'espace de quelques minutes, libéré sa colère à propos de ces fermetures. “Ça fait penser à l'époque où on a décidé de fermer les maisons closes. Le résultat est là pour prouver le tort.” Sur la jetée, des amoureux roucoulent en rêvant à leur avenir de l'autre côté de l'horizon. La Fanette de Brel est passée par là. À l'APC, c'est une autre version qu'on nous sert. Pour l'administration locale, il n'y a eu aucun abus sur ces fermetures. Le secrétaire général, Djamel Brahimi, explique, en brandissant la décision concernant le cas de Sauveur, que le gérant de cet établissement de catégorie 4 ne possède pas d'agrément et exerce donc une activité commerciale sans autorisation. Il faut savoir à ce sujet que l'établissement est divisé en deux parties : la première, appartenant à la commune et dont le contrat a expiré, et la seconde, partie constituée par la grande salle faisant front à la mer, relève de l'Entreprise de gestion du port. Aux dernières nouvelles le gérant a déposé une demande d'agrément au niveau de la daïra de Chéraga. “Il y a eu beaucoup de fermetures ces derniers temps mais toutes légales. La grande majorité des établissements n'a pas d'autorisation de débit de boissons alcoolisées. Certains ont été fermés par décision de justice sur rapport de la police signalant la création de lieux de débauche. Cependant, faire croire à une campagne ayant une quelconque relation avec des motifs religieux est dénué de tout fondement. L'Etat a engagé des sommes colossales pour l'aménagement du port de plaisance et de la plage, nous voulons, pour notre part, en tant que collectivité locale, que cette côte soit la vitrine de la commune avec notamment ses restaurants et ses commerces. Alors autant que tout fonctionne dans les meilleures conditions possibles. Ce n'est pas avec les bouibouis qu'on attire les touristes, nationaux ou étrangers. Il faut savoir ce que l'on veut”, conclut Djamel Brahimi. Nous quittâmes La Madrague avec une pointe de nostalgie, revoyant nos vingt ans et l'époque où l'on s'offrait entre copains un plat de crevettes grand comme une barque pour pas plus de 20 DA, le bonheur et la paix en prime. ALI FARES