Liberté : l'Interwilayas des archs tiendra ce week-end à Amizour son 21e conclave qui s'annonce décisif. Quelle appréciation faites-vous de ce rendez-vous dit historique ? M. Rabah Boucetta : Ce conclave de l'Interwilayas survient après la libération de nos camarades injustement incarcérés depuis huit mois et avec lesquels tous les délégués auront le plaisir à se retrouver. L'interwilayas aura aussi pour tâche d'arrêter une position commune et consensuelle au sujet de la dernière proclamation faite par le pouvoir appelant les archs au dialogue. C'est vrai que cette rencontre qui coïncide avec la commémoration du 5e anniversaire de l'assassinat de Matoub Lounès est historique. Ce conclave lui sera certainement dédié. Les observateurs attendent votre réponse à l'offre de dialogue et les échos sont plutôt favorables, n'est-ce pas ? Nous espérons que nous allons aussi discuter de la catastrophe qui a frappé dernièrement les wilayas du Centre du pays. Car, le séisme du 21 mai dernier a montré, encore une fois, la solidarité du peuple algérien. Je tiens d'aileurs à remercier tous ceux et celles qui nous ont exprimés leur soutien, notamment la CADC, la CICB et la CCCWB. Pendant ce temps-là, tout le monde a constaté la passivité, voire l'absence de l'Etat. La preuve, des officiels, à l'image du président de la République, son ministre de l'Intérieur et certains indus élus ont été accueillis avec des jets de pierres et des chahuts. Ce qui a, ensuite, contraint ces responsables à rester enfermés dans leurs bureaux. Concernant la crise de Kabylie, notre coordination s'est réjouie de la libération des détenus du mouvement citoyen qui s'est faite grâce à la mobilisation populaire. En cédant à cette libération, le pouvoir reconnaît que la stratégie qu'il a jusqu'ici utilisée contre le citoyen a conduit à une impasse. Ce n'est pas pour autant l'amorce véritable d'un autre type de démarche, car il ne faut pas oublier que la question des détenus fait partie des techniques de diversion que le pouvoir utilise pour nous faire oublier ou renoncer à nos revendications originelles. Au sujet de la proposition du Chef du gouvernement, nous avons remarqué que celui-ci a mis les formes qu'il faut pour s'adresser au mouvement citoyen, mais il s'est malheureusement retenu de faire une quelconque référence à la plate-forme d'El-Kseur. Mais Ouyahia a appelé au dialogue pour trouver une solution à la crise de Kabylie... ? Tous les conflits finissent autour d'une table de discussion. Jusqu'ici aucun délégué du mouvement citoyen n'a stigmatisé le dialogue en soi. Le problème est ailleurs, pour dialoguer il faut être deux, il faut être partenaires, c'est-à-dire égaux et enfin être tous les deux crédibles. Or, même un enfant peut constater l'absence de crédibilité et de légitimité chez le pouvoir en place. Un simple exemple pour vous le montrer. Est-il logique et même légal de négocier la question de la punition des agents de l'Etat qui ont assassiné des jeunes aux mains nues ? À ma connaissance, dans un état qui se respecte, les instances judiciaires concernées n'ont même pas besoin de la plainte des ayants droit des victimes pour ouvrir des enquêtes et poursuivre les auteurs et commanditaires de ces crimes. Où est la crédibilité de l'Etat lorsque l'on sait que ses institutions sont toujours dirigées (plutôt squattées) par des candidats qui n'avaient même pas obtenu la totalité des voix de la liste qui les parrainaient ? Donc, vous maintenez que la plate-forme est scellée et non négociable ? En fait, c'est le pouvoir qui a scellé notre plate-forme lorsqu'il a reconnu la légitimité de ses revendications. C'est pour cela que nous avons justement et logiquement répondu en demandant au président de la République de reconnaître la plate-forme et d'appeler à sa mise en œuvre, chose à laquelle nous sommes prêts à participer immédiatement. Ne craignez-vous pas une démarcation de certains délégués influents du mouvement qui sont favorables au dialogue ? La question n'est pas d'être pour ou contre le dialogue, car celui-ci est une vertu et tous les délégués l'ont déjà dit. Le mouvement citoyen est soudé par des textes au point où il ne risque ni manipulation ni substitution. C'est un mouvement horizontal. Il n'y a pas de délégué influent, mais il y a une population influente. Ceci dit, je ne pense pas qu'il y ait des divergences importantes entre les différentes coordinations de wilayas au sujet des garanties à exiger du pouvoir avant tout contact avec celui-ci. K. O.